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«
... aucun
apprentissage n’évite le voyage,
apprendre lance l’errance. » Michel
SERRES (
Le tiers instinct )
ETAPP au NEPAL 1999 Tout
voyage au Népal est le résultat d’un coup de foudre. On
dirait que ce petit pays coincé entre deux géants, la
Chine et l’Inde, a le don de susciter des sentiments
passionnés. Ce royaume participe de deux mondes différents
: mongol et indo-européen, bouddhique et hindou s’y
rencontrent et s’y mêlent. Le Népal
n’est pas seulement le pays qui à la plus forte densité
de temples, pagodes, pagodons, le Népal est un temple. Pour
autel il a l’Himalaya aux cimes blanches, pour nef les
plaines et les vallées où se concentrent, vivent et
communient les fidèles. «
Le Népal... une terre aux pentes herbeuses avec des fleurs
aux mille couleurs, des clairières où dansent des arbres
gracieux qui résonnent des chants d’oiseaux, où chaque
jour brille un fragile arc-en-ciel... C’est dans un lieu
solitaire comme celui-là que moi MILAREPA le yogi,
je me réjouis. »
(MILAREPA - Buddhist texts -) Le Népal...
« rien que du vide et du vent, une touffe de chardons
bleus, des marques de pas. Rien que du soleil sur les crêtes
et les ombres qui s’allongent entre les rochers. Rien que
ce rien qui n’est pas moins que tout. »
( André VELTER - Le haut Pays - ) Mais le
Népal n’est pas que poésie et ce proverbe népalais est
là pour le rappeler : « L’homme n’est pas fait
pour le confort, comme la chèvre n’est pas conçue pour
vivre dans la plaine » On se
rend au Népal pour diverses raisons. Pour
contempler ses huit sommets de plus de 8000 m, toit du monde
d’une saisissante beauté, d’une sereine majesté et
d’une grandeur farouche. Pour
remonter aux sources de la civilisation bouddhiste vécue
par ces montagnards dans la ferveur avec une gentillesse
souriante, tolérance et patience. Pour
admirer entre ciel et rocs des paysages lunaires, des vallées
verdoyantes et des rizières en terrasses. Pour la
culture et les trésors d’art religieux toujours en place
dans les temples où ils ont été conçus. J1
PARIS
DACCA
7920 km
30/10/99 ______________________________________________________ C’est
avec une joie non dissimulée et non sans une certaine émotion
que notre sympathique (
n’ayons pas peur des mots ! )
groupe se retrouve au carré des voyageurs à
Orly-Sud pour entamer cet antépénultième périple. Avec
l’inévitable retard nous quittons notre sol natal pour
les uns ou
terre d’adoption pour les Bretons,
à bord d’un DC 10 rescapé de la guerre de Corée.
A bord
nous nous rendons vite compte que Bangladesh c’est la... dèche.
( un peu facile celle-là je le confesse volontiers. ) Malgré
tout, nuit sans incident. Je préviens néanmoins les
parents d’Anne-Cécile que celle-ci a découché ! ________________________________________________________ J2
DACCA
KATHMANDU 675
KM
31/11/1999 __________________________________________________________ Lorsque
l’avion aborde le territoire népalais comme tous les
voyageurs notre première réaction est de chercher à
travers les hublots les cimes blanches du grand Himalaya.
Mais nous ne voyons rien car au Népal les dieux sont jaloux et se réservent certaines montagnes
comme un mari se réserve son épouse ou un père protège
sa fille. En
arrivant au-dessus du Népal
cette vieille terre capricieuse s’ouvre, se fond,
se cabosse, fait le gros dos. Nous
arrivons à Katmandu en l’an de grâce
2056. Ceci n’est pas seulement dû au retard de la
Biman mais aussi au fait que les Népalais ont changé
d’année le 13 avril dernier. Ici ce
n’est pas un aéroport, ça n’est pas non plus un aérodrome,
ni un champ d’aviation. Non c’est quelque chose
d’autre, quelque chose de bizarre, quelque chose de tout
à fait à part; un endroit où l’on arrive et d’où
l’on part. Nous
avons juste le temps de faire connaissance
avec SHYAM ( prononcer Siam ) notre guide, petit par
la taille mais grand par le verbe, avant de prendre nos
quartiers à l’hôtel. Le repas
est rapidement expédié en raison de la demi-finale de la
coupe du monde de rugby:
NOUVELLE - ZELANDE
-
FRANCE
: 31 -
43 We are the Champions!!!
( enfin presque
) Un ex-
rugbyman du Val de Villé en a défoncé sa literie
d’enthousiasme.
Nuit à l’hôtel HIMALAYA __________________________________________________________ J3
KATHMANDU
2/11//1999 ___________________________________________________________ Nous
voici donc à Katmandu où dans les années 70 tant de
jeunes occidentaux ont cherché l’absolu dans le
mysticisme oriental, les « chemins »,
chers à Barjavel et les paradis artificiels. Elle
incarnait le rêve d’évasions et la dernière étape du
Voyage. Pour
nous qui sommes un peu moins jeunes Katmandu est un mot
mythique, une volée de cloches de bronze douce et grave,
dont le prodigieux écho retentit parmi les montagnes. Echo
tintant, s’attachant, résonnant, se répercutant d’une
pente à l’autre... L’Himalaya
on le sent proche, sans le voir. A peine quelques pics au
lointain. Au
commencement Dieu créa le ciel, la terre et la colline de
SWAHAMBUTHNATH objet de notre première sortie. IL creusa un
sentier au milieu des arbres et des ronces, le fit grimper
au sommet de la colline où IL posa une précieuse sucrerie
barbouillée de blanc et d’or, empanachée de drapeaux
claquant au vent sur des hampes de cordes: le stupa arrimé
là tout flamboyant d’oriflammes comme un bâteau
immobile. En
levant les yeux on voit cet énorme dôme blanc, surmonté
d’un arbre doré pareil à un visage où deux grands yeux
peints aux sourcils en
forme d’ailes vous observent. La
conscience unique qui voit tout, qui embrasse tout, étend
la protection de son regard sur les hommes, les bêtes et
les dieux dans
la vallée de Katmandu.
La colline est tapissée d’une herbe
rare que broutillent des chèvres et des vaches entre les
autels de bouddha à l’ombre d’arbres tutélaires. Au pied
de la montée se dressent deux grands bouddhas aux visages
empreints d’extase, signe du parfait équilibre intérieur. Il règne
sur ses pentes une profonde béatitude qui exclut toutes les
banalités. De part et d’autre des degrés qui gravissent
la colline des divinités hindoues à têtes d’éléphant
ou d’oiseaux peints et fleuris se mêlent à des saints
bouddhiques à l’air méditatif sans souci de la différence
de dogme. Ganesh à la trompe réduite à néant à force de
caresses rappelle le pied de Saint Pierre détruit par les
baisers des dévots. Et
partout sur des statues des dieux, dans les arbres, sur les
marches, se grattant, recueillant leurs puces, grimpant, se
balançant aux branches, mangeant, dévisageant les visiteurs grouillent les
singes. SWAYAMBUTNATH
est un de ces lieux où l’esprit souffle depuis toujours.
Les pierres suintent des émotions accumulées pendant des
siècles. On se met à rêver au son des conques dans le
parfum des lampes à huile. Les drapeaux de prières
claquent joyeusement, un enfant rit, un autre chante. En ce
sanctuaire privilégié les cultes ne se succèdent pas, ils
se superposent. Sous la statue de l’Eveillé
les moines en bure aubergine psalmodient la prière,
un bourdonnement monotone entrecoupé
d’appels des hautbois, de coups de tambours et de
mugissements de trompes. On ne
peut pas faire trois pas sans être sous le regard d’un
dieu, d’une divinité qui peut prendre l’aspect d’un
modeste lingam au milieu de la chaussée. De cette
première promenade on
garde un souvenir si nébuleux
et impérissable à la fois que la vision précise
des choses nous échappe, oublié le nombre d’étages des
maisons et la
couleur des toits, emporté dans un flot de sensations
confuses purement physiques, de souvenirs imprégnés
de l’odeur de l’encens
et de l’huile rance. Pas le
temps de faire le tri et nous voilà dans le vieux Katmandu
qui est un dédale de rues entremêlées
et de cours ainsi que de bazars vendant des choses
utiles et futiles.
Toute la
ville reflète une force vive, confuse, bourgeonnante, éparpillée,
bariolée de superstition et de magie comme la face noirâtre
de Kali de poudre écarlate et les pieds de
Ganesh du sang des chèvres. Encorbellements
sur encorbellements, pagodons sur pagodons, façades en
damier noir et blanc comme un échiquier, fenêtres sculptées,
moucharabiehs fouillis de ciselures, portes gardées par des
dragons, des lions, des taureaux; tout un zoo grouillant,
vivant, rampant, de bêtes griffues, cornues, crochues,
tortillées, grimpants, tapies dans tous les coins, toute
une faune démoniaque qui
monte à l’assaut des pagodes et envahit la rue. Ville
fourmilière, ville termitière où chaque morceau de bois
devient dentelle, chaque pierre un monstre gigotant. Ville
anti-musée où chaque corniche de temple est un perchoir à
pigeons, chaque linga dressé un urinoir à chien.
Chez les
« antiquaires » d’ignobles tankas tibétains
fraîchement peinturlurés de déesses bleues
outremer qui se
convulsent dans des auréoles de flammes, et surtout, vente
assurée, de couples de dieux tantriques. Enfin
DURBAR SQUARE le cœur ancien et toujours actif de Katmandu,
incroyable enchevêtrement de palais, de temples à degrés
de sanctuaires où tout le long du jour les hindouistes
honorent leurs divinités. Ici gardé
par Kal Bairaua qui en défend l’entrée on trouve réuni
quelques-unes unes des merveilles de l’architecture népalaise.
L’ancien palais du roi Malla, la pagode royale de Taleju
le temple de Shiva et de Parvati, et en face, la résidence
de la Mari, figure divine étrange
et emblématique de la culture néwar. Sa
demeure, palais de trois étages, dont la porte d’entrée
est gardée par deux lions. Elle donne sur un vestibule à
piliers et une cour intérieure
d’où l’on voit le traditionnel balcon
en encorbellement
et de magnifiques fenêtres de boiseries sculptées
surmontées de magnifiques tympans. La déesse, forme
vivante de Durga ou Taleju
reste claquemurée et nous ne verrons pas son sari
rouge paré de bijoux étincelants, ni même son troisième
oeil, large arc vermillon sur son front, rehaussé au milieu
d’un triangle blanc frappé d’un iris noir. Je vous
signale, Mesdames, que pour être élue miss Kumari, il ne
faut pas avoir peur dans le noir au milieu de têtes de
buffles fraîchement coupées et répondre à 32 critères .
Je vous en livre quelques-uns uns en vrac: des yeux bleus ou
noirs, des dents blanches au nombre de quarante, des cils
comme ceux d’une vache, une voix claire et douce comme
celle d’un canard, un cou nacré comme un coquillage, des
joues comme celles d’un lion, un sexe petit et bien moulé,
des cuisses comme celles d’un cerf, des cheveux noirs... S’il
reste des candidates parmi vous après ce bestiaire je vous
signale qu’il faut avoir entre deux et quatre ans donc être
à peine plus jeune que vous !!! IL faut
s’installer sur une marche au sommet d’une pagode et
regarder la foule bigarrée s’étirer et déferler des
ruelles voisines parmi
les vaches, les rikshaws et les voitures
S’asseoir
et regarder la vie s ’écouler : les femmes en sari,
les écoliers en uniforme, les porteurs suant sous leur
charge ,.. Et nous
voilà plongé dans la plus grande distraction de l’Orient,
plus sensuelle et plus stimulante que nulle autre. Mais il
n’y pas que les plaisirs de l’esprit. Il faut donc
retourner à l’hôtel pour le déjeuner. Après un repas bien mérité nous prenons la direction de KAKANI ( 2000m d’altitude ) pour avoir une première vue sur l’Himalaya. Nous parcourons une route défoncée offrant un paysage de collines et de cultures en terrasses (riz, millet, sésame, maïs...). C’est le pays des TAMANGS dont le nom signifie en tibétain « cavaliers » ou « marchands de chevaux » alors qu’il n’y a pas le moindre cheval dans les montagnes népalaises. Cette
tribu habite dans de petites maisons couvertes de chaume (
ondulée !!!). Ici la terre est généreuse mais elle ne
donne rien pour rien et sur les étroites terrasses tracées
à flanc de colline l’araire n’est d’aucune utilité.
Les femmes cassées en deux font les récoltes. Tout le Népal
est ainsi cultivé comme un jardin. Ce sont ces mêmes
paysans qui se mettent en route à l’aube pour aller
porter la marchandise au marché, pieds nus, l’échine pliée
sous le fardeau. Leur bonne humeur permanente fait apparaître
tout cela léger et bien naturel. Le relief très accidenté
oblige l’homme à sculpter la pente pour assurer sa
subsistance.
Nuit à l’Hôtel HIMALAYA
______________________________________________________________________ J4
KATHMANDU -
PARC DU CHITWAN
3/11/1999 ______________________________________________________________________ Nous
suivons une route tortueuse à flanc de coteaux en suivant
le lit de la rivière TISULI. Cela nous permet d’admirer
les cultures en terrasses accrochées à la montagne. Nous
abordons le Teraï qui constitue le rez-de chaussée
du Népal. Autrefois c’était une jungle
porteuse de fièvre, aujourd’hui les champs de riz
dorés ondulent sous le soleil. Au loin la chaîne de l’Himalaya
mord le ciel de ses dents blanches
acérées. BHARATPUR
que nous traversons est comme toutes les villes du Téraï
une cité bruyante grouillante d’une incessante activité.
C’est le lieu d’échange entre entre les campagnes et le
reste du pays. Des rondes ininterrompues de bus et de
camions soulèvent des nuages de poussière qui recouvrent
les murs, les marchés et les boutiques
d’un manteau gris. Marchands ambulants de fruits,
de jouets, de sucreries... C’est une perpétuelle
effervescence. Puis
c’est la campagne où le temps s’écoule plus lentement
qu’ailleurs. Les paysans vous saluent d’un «
namasté » souriant. Les rizières bien irriguées, méticuleusement
dessinées, travail éternel, inlassable... Quand arrive le
soir hommes et bêtes vont à la rivière pour s’abreuver
ou se laver. On sent de la terre monter un sentiment de paix
et l’âme s’en réjouit. Campagnes
paisibles, ville industrieuses, le Teraï c’est cela
mais beaucoup plus encore : c’est aussi le fief des
bêtes sauvages et de la malaria. Sur une centaine de Km2 de
jungle livrée à elle-même s’étend le parc de CHITWAN
crée en 1972.Il y prospère désormais en toute sérénité
: Daims, singes, tigres, rhinocéros, léopards,
crocodiles... Notre
camp NARAYA Safari est situé au bord de la rivière de même
nom. A peine le temps de poser notre bagage dans les
bungalows ( sans électricité ) nous voilà à dos d’éléphants
pour une première traque dans la jungle. Celle de Kipling,
celle où les maharadjahs et les princes britanniques chassèrent
les descendants de Shere-Kahn et de Baghera.
Sa
majesté le tigre (
bagh ) n’est au rendez-vous. Juste la trace d’une patte
dans la boue. Serait-il unijambiste ?
Après
le dîner nous avons droit
à des danses guerrières
auxquelles se mêle une Gwen déchaînée
et quelques teutons éméchés.
Nuit au NARAYANA SAFARI RESORT ______________________________________________________________________ J
5 CHITWAN
- BHARATPUR
6/11/1999 ______________________________________________________________________ Réveil
à l’aube. C’est là que les grands fauves
s’abreuvent. Nous, nous n’avons droit qu’à une tasse
de café ou de thé avant de repartir sur nos éléphants.
C’est fou ce qu’on s ’attache à ces petites bêtes
!! Une
nouvelle traque commence, déjà les grands fauves
tremblent dans leurs antres. Finalement notre tableau
de chasse sera fort modeste: Le rhinocéros de la veille qui
avait oublié de se déplacer, quelques daims, le cri
terrifiant d’un sloth bear
( ours à collier clair ), un papillon jaune sur un
citronnier et surtout un coq nain multicolore qui n’a pu
échapper à la
tactique d’encerclement effectuée avec quatre éléphants.
Digne de ce cher Karl von Clausewitz!!
A la
ferme l’activité se concentre sur la sauvegarde du gavial
qui est un crocodile mangeur de poisson au museau très fin
et avec des yeux proéminents. Le retour se fait en bus pour
permettre de visiter un village THARUS. Selon les uns cette
tribu serait les aborigènes du Teraï ou originaire du
proche Rajasthan. Ils sont cultivateurs, chasseurs ou pécheurs.
Leurs longues maisons de bambou et de pisé blanc sont
parfois décorées d’animaux en relief. Nous y dégustons
du bout des lèvres un alcool de riz qui rappelle plus le pétrole
lampant qu’un scotch.
Nous
avons donc fait une promenade
botanique au
milieu des kapokiers, des flamboyants, des pipals, des shals
et des figuiers étrangleurs d’où s’échappent quelques
oiseaux colorés et chamailleurs. Nous traversons des
roseaux d’or roux au reflets argentés. Malgré toutes nos
précautions trois d’entre nous ont subit une agression
sournoise d’une rare sauvagerie... par des sangsues.
Saluons le courage de ces héros anonymes ( Chantal, Yves le
breton et moi-même). Retour
sur BHARATPUR.
Nuit au NARAYAN SAFARI HÔTEL ______________________________________________________________________ J6
BHARATPUR
- GORKA
- POKARA 4/11/1999 ______________________________________________________________________ Nous
quittons le Teraï, cette plaine rizicole qui vit au rythme
des chars à buffle et des longs fleuves dont le parcours
aboutit au Gange. Le pays des huttes à toits de chaume et
de Shorea robusta ( le shal ), bois résistant aux insectes
et l’un des plus utilisé dans l’architecture néwar ou
dans la fabrication des pirogues. SHYAM
nous apprend durant le trajet que « Suzy on ne
l’oublie pas » tant
il est vrai qu’il a été marqué par le maillot de bains
que celle-ci avait acheté à Bharatpur et qui
d’après lui avait un problème
« d’essuie-glaces » Autre
nouvelle : la Kumari serait apparue parce que la
déesse Durga avait « chouchouté
» dans
l’oreille du roi et
que la nuit elle était entrée dans la « chose »
de ce dernier. Décidément
il se passe de drôles de choses dans ce pays.
Gorka
offre aussi aux visiteurs une rue principale où les échoppes
se succèdent, un bassin entouré de trois petits temples
et un palais - Tallo Durbar - dont la visite est
interdite. Arrive
la longue route vers POKARA à travers les mêmes paysages
si typiques du Népal.
Pokara
longtemps isolée est la porte des Annapurnas. Les
plus courageux font un tour au bazar du quartier des réfugiés
tibétains et vont admirer les Devil Falls. Et
enfin à la tombée de la nuit ils sont là dominant le nord
du paysage : le MACHAPUCHARE, les ANNAPURNAS I à
IV et
sud, le DHAULAGIRI et l’HIMALCHIL. De quoi alimenter les rêves
de cette nuit !
Nuit à l’Hôtel BLUE BIRD Les deux
Yves et Philippe ainsi que leurs compagnes ont été mis en
quarantaine dans une annexe de l’établissement. On ne
saura jamais s’il s’agit d’une décision des services d’hygiène
mentale ou des services vétérinaires. ______________________________________________________________________ J7
POKARA
5/11/1999 ______________________________________________________________________ Aujourd’hui
la fête du Tihar ( des lumières ) est consacrée aux
corbeaux ce qui nous concerne : bonne fête Yves H.. Au Népal
l’observation des corbeaux et de leurs cris permet la
divination et les Népalais ont avec ces créatures
intelligentes et serviables ( défense de rire !! ) une
entente particulièrement bénéfique. Si le
corbeau croasse tôt le matin à l’est vos prières seront
entendues, au nord c’est des amis qui vont venir, au
sud-ouest vous aurez les bénéfices attendus, à l’avant
du bus ayez une pensée émue pour Isabelle... Mais
nous ne sommes pas là pour faire la fête : la montagne
nous attend. «
Il semble qu’en s’élevant au-dessus des hommes
on y laisse tous les sentiments bas et terrestres et
qu’à mesure qu’on s’approche des régions éthérées
l’âme contracte quelque chose de leur inaltérable pureté.
» ( J.J.
ROUSSEAU ) Il
parait que suivre le sentier qui s’élève c’est aussi
s’élever. En fait de sentier nous abordons une montée
abrupte en escalier. ( 12000 marches d’après Marcel B.
qui les aurait comptées ! . Très vite la nature prend le
dessus et le silence s’impose même aux plus bavardes.
Elle est belle et rude là-haut, elle pèse de tout son
poids et ne se laisse jamais oublier. Mais à défaut de la
maîtriser les hommes s’y sont adaptés. Le terrain se présente
comme un patchwork de champs en terrasses avec des murets
agrémentés d’euphorbes, de foin ou d’épineux, de lacs
et de gorges coupées par la rivière Séti.
Un
chatara, cette plate-forme de pierre plantée d’un pipal
et d’un banyan nous sert de reposoir. Et comme le disait
Zarathoustra, celui que Nietzsche faisait toujours parler :
«
Me voici face à une des plus hautes montagnes... aussi me
faut-il descendre à des profondeurs que jamais je n’avais
atteint. » Tant il est vrai qu’après une montée
il faut descendre. Mais avant, laissons parler les poètes : «
Ainsi qu’aux rayons du soleil levant S’évapore la rosée du matin
A la
vision de l’Himalaya S’évanouissent
les péchés des humains »
( PURANA
)
----------- «
Pour dépeindre la grandeur de ces scènes, Les mots
me manquent, que puis-je moi si faible ? La beauté
des paysages de la chaîne himalayenne dépasse la vision
humaine » (EKAI
KAWAGUCHI )
----------- «
Cent ères divines ne suffiraient pas à décrire toutes les
merveilles de l’Himalaya. (
proverbe sanskrit )
---------- En face
de nous cet extraordinaire spectacle nous fait penser que là
se situe la limite du monde des humains et que nous nous
trouvons au seuil de celui des génies. Les arêtes s’élèvent
vers le ciel en aiguilles si vertigineuses que nul
architecte n’oserait penser que de telles masses
pourraient se maintenir en équilibre. Parfois un nuage
s’accroche à l’un des pics et y flotte comme une
oriflamme déchiquetée ou comme un vrai rêve de
confiserie, une somptueuse pièce montée en sucre
fibre, garnie
de crème fouettée et
de glaçage destiné à une fête d’anniversaire dans
l’Olympe. Avant de
prendre le chemin du retour nous avons une pensée pour cet
écrivain assis dans son fauteuil qui écrivit un jour :
" IL est bon de suivre sa pente, pourvu que ce
soit en montant."»
( André
GIDE ) Il n’avait jamais quitté les caves du Vatican !!! De longs
lacets nous ramènent au bout de quelques heures dans la
vallée de Pokara, non sans avoir fait un détour par le
stupa de la paix universelle. Dîner
à l’hôtel. L’après-midi
nous faisons comme tous les touristes un tour en barque sur
le lac PHEWA TAL sur
les bords duquel se trouve le palais
d’hiver royal. Quelques pécheurs y vaquent en
danga ( long
canoë façonné dans un tronc d’arbre) Nous
accostons sur une île au milieu du lac pour faire quelques
dévotions au temple de Vahari où Anne-Cécile et Gwen
rentrent dans l’ordre des bonzesses de Phewa. Elles
ressortent de la pagode très marquées. Retour
par le vieux Pokara et ses vieilles
maisons du plus style néwar.
Nuit à l’hôtel BLUE BIRD ______________________________________________________________________ J8
POKARA
-
KATHMANDU
6/11/1999 ______________________________________________________________________ Encore
une fête aujourd’hui : celle des chiens. D’après Shyam
il faut les « enguirlander » avec des colliers
de fleurs, ce qui leur donne fière allure. Nous
traversons la campagne népalaise
où les habitants s’activent dans les rizières : récoltes,
battage, labours... Dans le bus par contre règne une
torpeur intense . Les grands marcheurs sont éreintés.
Au bord
de la rivière les femmes lavent des vêtements
qu’elles claquent sur des pierres plates et à
chaque coup leurs colliers de verroterie rouge sautent
autour de leur cou. Comme elles sont mystérieuses les
femmes ici avec ce regard profond, ombré, ce sourire de
bonheur, de lumière. Qu’elles sont belles ces femmes
estampillées !Un troisième oeil au milieu du front, oeil
incandescent, transcendant. Oreilles incrustées de perles
d’or. Femmes fardées aux couleurs de leurs dieux. De
leurs mains, de leur grâce elles bénissent notre marche. A propos
de femmes il parait que lors de la nuit de noce pour ne pas
brusquer la jeune épouse il faut chanter ou lui raconter
une blague. Là encore il ne faut pas l’effaroucher en ne
lui racontant que des histoires « végétariennes »
( c’est à dire non cochonnes) .
La
suite du voyage se fait sur la même autoroute qu’à
l’aller. (
voir chapitres précédent )
Nuit à l’hôtel HIMALAYA
______________________________________________________________________ J9
KATHMANDU
- DHULIKHEL
7/11/1999 ______________________________________________________________________ La fête
continue pour les Népalais, pour nous aussi. Aujourd’hui
c’est la fête des vaches
( la déesse de la fortune). Shyam toujours en grande
forme nous apprend que la ville avait fait appel à des
sponsors pour repeindre les trolleys parce qu’ils étaient...
trop laids (
trolley = trop laid, pour ceux qui ont du mal à suivre et
c’est là qu’on rit !!). Nous
prenons la route de BHADGAON
( l’ancien Bhaktapur ) et nous nous arrêtons
d’abord au village de THIMI, la « cité des gens capables
», peuplée
par des newari très besogneux : poteries, masques en papier
mâché et agriculture. Tout le monde s’active dans les
rues pour vanner le riz, acheter, vendre... On peut y voir
des poteries de toutes tailles à chaque étape de leur réalisation.
Des milliers de pots traînent sur la place. Des hommes
musclés travaillent des monceaux d’argile noire
tandis que d’habiles potiers
lancent des poignées de terre sur leur tours d’où
émergent des poteries. Ils gravent ensuite des motifs et
des décors avec la tranche d’une pièce de monnaie. Une
fois terminées les poteries sont exposées sur la place où
elles sèchent. Pour finir on les fait cuire sous des gros
tas de paille de riz fumante dans les rues. Ici les
femmes portent un sari noir à liseré rouge et ont les
mains et les pieds tatoués. Puis
vient enfin l’arrêt tant attendu dans un magasin
d’artisanat local, véritable capharnaüm où l’on
trouve des châles de cashmere plus ou moins véritable, des
statues en faux bronze, des tankas, des saris, des timbres
postes authentiquement affranchis,... un véritable
inventaire à la Prévert.
«
Jamais mangeur d’opium dans ses rêves les plus fous
n’imaginera de ville aussi fantastique. » disait de
Bhaktapur le premier voyageur français arrivé ici. Le ciel
frémit de musiques inconnues... C’est le vent qui fait
des prières accrochées aux toits des temples, centaines de
lamelles de métal qui s’entrechoquent en tintinnabulant. Les
paysans balancent leur palanquin, non pas rustauds et lourds
mais gracieux, drapés dans des châles, silhouette de fantôme
et démarche de danseur de menuet. D’autres poussent leurs
vélos chargés de pommes rouges dans d’énormes paniers
grillagés. Un autre encore vend des flûtes qui semblent
pousser sur un arbre. Dominique après avoir pratiquement dégarni
cet assemblage gracieux finit par en acheter une à bon prix
et avec les BK du
vendeur.
«
Agenouille-toi là où les autres s’agenouillent
car Dieu est là où les autres ont prié. »
( Proverbe népalais ) BHADGAON
compte parait-il plus d’autels que d’habitants. Les
ruelles pavées de briques sont un immense atelier ou un
magasin de plein-air. Sur la
place, BHARPATINDRA MALLA, le stylite, dans l’attitude de
la prière contemple le Durbar (palais ) aux 55 fenêtres,
aux linteaux finement décorés et aux grilles de
bois délicatement ouvragées. A la gauche du palais se
trouve la porte des lions, deux animaux aux lourdes pattes
annelées et aux crinières à petits crans qui n’évoquent
que de très loin le roi de la jungle. Et bien
sûr le temple le plus haut du Népal : NYATOPOLA, constitué
de cinq terrasses forment gradins jusqu’au temple lui-même,
cinq paires de gardiens au seuil, cinq toits superposés. Exemple
typique de la panchomanie des népalais c’est à dire du
culte du cinq sous toutes ses formes. Tout va par cinq au Népal
pour rappeler les cinq éléments primordiaux : terre, eau,
feu, air plus l’éther ( non les filles pas celui
de la pharmacie !) et les cinq directions de l’espace,
soit les 4 points cardinaux plus le zénith. Il
convient de prendre un peu de recul si l’on veut apprécier
la beauté des lignes du mouvement et ressentir
l’impression d’harmonie cosmique qui s’en dégage
C’est une montagne sacrée, faite de main d’homme dont
les degrés représentent ceux de l’ascension spirituelle
du fidèle. Pour
nous la progression continue de façon horizontale sur
« l’autoroute » en direction de DHULIKEL.
Nous
nous endormons au rythme des chants des jeunes des
villages environnants après avoir promené notre
regard sur l’Himalaya.
Nuit au DHULIKEL MOUNTAIN RESORT ______________________________________________________________________ J10
DHULIKEL
-
KATHMANDU
8/11/1999 ______________________________________________________________________ Nous
avons rendez-vous avec le lever du soleil au sommet de la
colline qui domine l’hôtel. Cet instant romantique est
perturbé par plusieurs incidents. Tout d’abord par un
hurlement qui doit encore résonner dans la vallée et avoir
provoquer un exode massif. Non ce n’était pas
l’apparition du Yeti mais la face à face d’Isabelle
avec une araignée dans la douche. La pauvre bête ne s’en
est pas remise ( l’araignée
bien sûr ! ). Outre ces cris nous entendons des bruits de
chutes d’eau évoquant les fameuses chutes du Zambèze. Il
s’agissait simplement de Patrick bataillant avec sa chasse
d’eau faisant craindre à Jacqueline une attaque de
prostatite aussi violente que subite. Malgré
tous ces drames nous sommes à l’heure pour voir la chaîne
himalayenne. En prenant vos photos et en les
regardant de gauche à droite vous devriez voir : le
LANTANG 5 7246m ) , le LEOPOGANG ( 7082m ), le DORJE LAKPA (
6799m ), le PHURBICHYACHU ( 6722m ) , le petit CHOBA BHAMARE
( 6016m ) , le GAURI SHANKER ( 7145m ), le CHO OYU ( 8153m
), le NUPSE ( 7879m ) , le LHOSTE ( 8510m ), le MAKALU (
8476m ), le NUMBUR ( 6954m ) et enfin le KARYOLUNG (6688m ).
Ceux qui en ont vu d’autres n’étaient pas réveillés
ou avaient abusé du rhum la veille. Nous
quittons ce site agréable et paisible dans une «
cabinette » qui est en fait un bus pour lilliputiens
cachectiques en oubliant presque Jacqueline Z. au bord de la
route. Rien n’est parfait !! En
prenant d’étroits lacets d’un chemin de montagne à
travers des forêts de pins et de châtaigniers nous
atteignons PALANCHWOK et
son temple dédié à Kali. Dans les rues nous assistons à
la décoration d’un taureau. C’est toujours la fête ! En cours
de route nous abandonnons notre « cabinette »
pour faire une petite marche d’environ trois heures pour
arriver à JANAGAL, petit village avec son inévitable mais
non intéressant temple. Dîner
au MOUNT VIEW RESORT à NAKHEL Après
avoir repris des forces nous partons à l ’assaut de
la « colline des palanquins »
( DALAGIR ) pour y visiter le plus ancien sanctuaire
de la vallée de Katmandu : CHANGU NARAYAN.
Puis
retour vers la vallée de Katmandu, véritable paysage de Cézanne
où flotte une lumière d’or. Sur les crêtes des douces
collines aux contours évasés qui délimitent la vallée
les arbres ondulent, les haies sont chargées de fleurs,
l’air semble empreint d’une fraîcheur transparente. Et enfin
nous replongeons dans le tohu-bohu de Katmandu.
Nuit à l’hôtel HIMALAYA ______________________________________________________________________ J11
KATHMANDU
9/11/1999 ______________________________________________________________________ Happy New Year,
Bonne Année !! C’est
le nouvel an .
Nous voila en 1120. Cela n’a rien à voir avec l’apéro
de la veille. Il s’agit du calendrier néwar. Ce qui se
traduit par encore plus de klaxons, plus de pétards et plus
de lumières.
Ce
temple est le royaume de Shiva mais on y adore aussi l’un
de ses avatars PASHU PATI, le seigneur protecteur des
animaux. Ce bon pasteur rassemble sous sa houlette les
pauvres et les égarés. Il est aujourd’hui le patron
officiel du Népal.
Le prêtre
se tient à côté du bûcher et récite :
Le
temple s’étale au bord de la rivière,
énorme assemblages d’édifices
grands et petits, composé d’oratoires, de
pavillons, de galeries couvertes semblables à des cloîtres
servant à abriter des pèlerins . Les
boutiques et la vie de tous les jours participent à
l’enchantement des lieux sacrés. De là
nous partons vers le sanctuaire de BODNATH, « le
seigneur de l’illumination ».
Nous
visitons une école de thankas ( peintures tibétaines sur
coton ) puis déjeunons
à l’hôtel. L’après-midi
est consacré au « magasinage » à THAMEL, centre
commercial pour touristes en mal de souvenirs ou pour
baba-cool nostalgique. On est tout à fait à l’opposé de
la maxime « faire peu mais bien « Ici on trouve de
tout mais tout est presque assez mal fait et rien n’est
vraiment népalais. Le
centre névralgique de toute cette activité est la place
d’ASAN TOLE où
l’on accède en faisant mille zigzags dans les rues serrées
entre les maisons anciennes. Les libraires traînent derrière
des piles de romans photos, de livres scientifiques et
d’ouvrages touristiques. Des copies de thankas pendent à
des fils de fer, accrochés par des pinces à linge, les
radios braillent, les sons dévorés par des parasites
sortent de la plupart des boutiques. Des portes gardées par
des lions donnent accès à des cours intérieures où au
milieu d’un amoncellement d’instruments ménagers, de
linge multicolore pendu aux balcons, d’enfants, de chiens,
de femmes et de fidèles se dressent les pagodes qui
abritent les dieux. Les
vendeurs de topis ( bonnet népalais ), les quincailliers,
les tailleurs, les pharmaciens (ils sont partout !!) , les
fileuses de laine, les potiers, les coiffeurs travaillent au
coin des temples. Leurs
boutiques se succèdent jusqu’à la place où les
marchands de fruits marquent la frontière entre
l’ancienne et la nouvelle ville. Dans
MAKAN TOLE c’est
le choc des yeux, l’éclatement des pupilles, la
dilatation des cerveaux, le naufrage de la raison. Du plus
loin qu’on puisse voir et par delà des marchés aux légumes,
les marchés aux fruits, les marchés aux fringues, les
marchés aux clameurs et aux beuglements, ce ne sont que
couleurs éclatantes, que broderies d’or et de toc, que
sueurs et ventres affamés, que mendiants pulmonaires,
qu’une incroyable odeur d’encens, d’excréments, de
riz bouilli, de baume et de fumée. C’est l’odeur même
des hommes, âcre parfum des mille et une misères.
Le coeur
de la ville vibre et résonne des dong-dong des cloches de
bronze dans les temples, des sonnettes de bicyclette et des
cris des marchands. Les vaches clignent de l’oeil au
soleil, recueillies sur leur vide intérieur comme le saddhu
qui partage avec elles un coin de trottoir. Est-ce
bien là une ville, la capitale d’un pays réel ou
n’est-ce qu’un mirage, la projection d’un rêve ? Que dire
d’une ville qui produit au moins sept grandes marques de
boissons rafraîchissantes et six marques de bières mais
qui ne peut pas fournir d’eau potable ? Certains
d’entre nous sont remontés vers DURBAR SQUARE pour
retrouver un peu de sérénité
et oh! bénédiction, Brigitte, Jacqueline Z., François
et votre serviteur ont vu la Kumari. Quand les déesses se
transforment de rêve en réalité
le spectacle est bien triste.
Nuit à l’hôtel HIMALAYA ______________________________________________________________________ J12
KATHMANDU
10/11/1999 ______________________________________________________________________ Aujourd’hui
c’est lendemain de fête et une nouvelle fête commence.
Celle des frères et des soeurs. Ici aussi ils
s’enguirlandent mais avec des fleurs et se font des
cadeaux. SHYAM est beau comme un sapin de Noël avec sa
guirlande ( personne n’a parlé de boules ). Nous
avons du mal à nous mettre en route et nous enregistrons
nos premières pertes. Nous hésitons à amener Yves le
Breton à Pashupatinath sur un ghât, mais finalement nous
le laissons dans sa chambre d’hôtel. En nous
arrêtant à KHOKANA nous faisons un bond dans le moyen-âge.
Dans la rue principale pavée de grosses pierres, des femmes
étalent ou vannent le riz, d’autres font leur toilette
sans aucune gène, d’autres font la vaisselle, les hommes
jouent aux cartes ou font semblant de vaquer à une
occupation, un gamin défèque à côté d’un boucher qui
dépèce un buffle... tout cela dans la bonne humeur la plus
totale. Dans des pièces mal éclairées on peut voir des
pressoirs utilisés pour la fabrication d’huile de colza. Un
sentier nous amène au temple de KARYA BINAYAH dédié à
Ganesh où Shyam fait ses dévotions. Le sanctuaire a
surtout un intérêt botanique en raison d’un arbre
magnifique planté sur le site. Les spécialistes les plus
avertis hésitent quant à son essence : « houtier »
ou « baobab de Sibérie ». Notre
petite marche se termine à BUNGAMATI, village néwar
dominant la Bagmati. Là encore on retrouve le caractère de
la vie médiévale dans ses ruelles étroites. Sur la place
du village se trouve le sanctuaire de RATO MACHHENDRANATH,
le patron de la vallée. Il possède un sikhana de stuc
blanc rehaussé de quatre rubans de bronze doré. Retour
à l’hôtel pour le dîner où le nombre de convives se
fait de plus en plus restreint
Au fil
des ruelles avoisinantes bordées d’échoppes de toutes
sortes surgissent des temples insoupçonnés. Les immeubles
entassés de Patan possèdent tous les tons de la brique, du
bois et de la
tuile. Le temps leur a conféré leur patine.
Nuit à l’hôtel HIMALAYA ______________________________________________________________________ J13
KATHMANDU -
NAGARKOT
11/11/1999 ______________________________________________________________________ Nous
quittons définitivement l’hôtel Himalaya où nous avions
pris nos habitudes pour faire une dernière virée en
montagne direction NAGARKOT. La première
partie du trajet se fait à bord d’un bus brinquebalant et
antédiluvien. Cela n’empêche pas Dominique de tricoter.
Entre parenthèses son ouvrage n’avance guère tel celui
de Pénélope. Nos supputations s’arrêtent là... Pour
atteindre notre hôtel nous faisons une marche d’environ
2h30 sur un sentier à flanc de montagne serpentant à
travers quelques villages épars et des champs étagés avec
au fond l’omniprésence des sommets blancs de
l’Himalaya. Véritable
symphonie de couleurs : brun pour la terre fraîchement
retournée, rose pâle pour les merisiers en fleurs, rose
plus soutenu pour le sésame, jaune pour le colza, nacré
pour le décolleté de Brigitte... ( excusez-moi, je crains
d’avoir quitté le sentier ! )
L’hôtel
« The Fort » est juché sur un éperon dominant le
confluent de la Tisuli et de la Todi Kohla avec une vue
imprenable sur la chaîne himalayenne. Les plus courageux (
ou les plus inconscients ? ) font encore une promenade
l’après-midi pour se rendre à un sommet d’où l’on a
un point de vue à 360° mais rien à voir . Philippe,
vous savez le copain de Maman Biafine, erre dans les dépendances
de l’hôtel avec son maigre bagage comme une âme
( mais les gens du Val de Villé ont-ils une âme ? )
en peine. Le seuil de son sens de l’humour étant
largement atteint nous ne parlerons pas plus de cet
incident. Heureusement
un dernier apéro commun réchauffe l’atmosphère plutôt
fraîche à cette altitude (entre 2000 et 2500m, selon les
mesures népalaises, l’altimètre de Marcel ou le GPS de Gérard) La fin
du dîner est ternie par l’effondrement d’une des bases
de notre république, c’est à
dire celle de son Administration et cela sous les
coups de boutoirs répétés de Lulu.
Nous
apprenons en
vrac et en détails - parole d’honneur - que le directeur
(fort bel homme au demeurant ) portait une veste du
meilleur goût avec une cravate de soie mais semblait
oublier de porter un pantalon. Il parait que la promotion
s’opère ainsi dans cette grande maison. Mais ce vaillant
fonctionnaire ne se contentait pas de faire grimper ( ? )
son personnel mais consommait aussi des « friandises»
qu’il trouvait chez Kohler-Rehm, pâtisserie réputée
sur la place de Strasbourg. Nous n’en dirons pas plus car
nous ne voulons pas heurter la sensibilité des gens, pas
avoir de problème avec la censure, ni torpiller le
gouvernement et encore moins faire rayer Lulu du grand Livre
de la Dette Publique. Néanmoins, gloire soit rendue à
cette vaillante fonctionnaire qui a accompli sa noble tâche
sans céder à ces turpitudes et sans quitter le droit
chemin.
Nuit à l’hôtel THE FORT ______________________________________________________________________ J14
NAGARKOT -
KATHMANDU
- DACCA
12/11/1999 ______________________________________________________________________ Une fois
n’est pas coutume, nous allons parler météo ce matin.
Localement le temps est brumeux et les nuages cachent les
sommets prévus sur le programme. ( que fait l’agence ? ).
En Bretagne le temps est maussade avec quelques grains en
raison de gelées nocturnes. Mais une éclaircie devrait
s’opérer dans la journée malgré l’épuisement des réserves
de whyskies. Quelques
irréductibles refont une
promenade vers des points de vue où il n’y a
toujours rien à voir. Encore quelques photos des sommets
qui veulent bien se dégager puis un dernier bouclage de
valises que l’on a du mal à fermer. Peut-être ont-elles
aussi le coeur gros ? Rapide
mais bon repas avant la plongée vers la vallée de
Katmandhu et son aéroport où le piétinement commence et
le retard s’accumule. Patrick est pris d’un accès
d’arithmomanie. Il essaye de calculer le temps de vol, les
heures de décollage et d’atterrissage, l’heure
d’arrivée, en tenant compte des vents contraires, de la
portance de l’appareil, du nombre de passagers, de la
couleur du sari des hôtesse... Nous lui expliquons avec
tous les ménagements possibles qu’il suffit de regarder
sa montre à chacune de ces opérations. A
l’escale de Dacca, il arrive à se procurer le plan de vol
et à mettre enfin le voyage retour en équation. La
solution en est que nous serons 32 heures en route avant
d’arriver à Strasbourg. Le calcul pour les Bretons n’a
pas été fait. En Bretagne on ne calcule ni en heures
ni en kilomètres mais en marées ce qui complique encore le
problème. Nuit à
bord sans incidents malgré toutes les prestations.
Nuit sur
DC 10 BIMAN Bangladesh Airlines ______________________________________________________________________ J15
DACCA -
PARIS
13/11/1999 ______________________________________________________________________ Réveil
au milieu de la nuit ( on ne sait plus trop quelle nuit ? )
à DUBAI juste le temps de faire de tour du duty free shop.
Puis les prestations à bord reprennent..... Nous nous
posons à Orly-Sud à l’heure indiquée sur le programme.
Bravo Patrick !!! Le
voyage est terminé. Et alors ? «
Pareil au nuage d’été qui, en harmonie avec le firmament
dans le ciel bleu d’un horizon à l’autre, porté par le
souffle de l’atmosphère,
de même le pélerin s’abandonne au souffle de la
vie plus vaste qui le conduit au-delà des plus lointains
horizons vers un but déjà présent en lui, mais encore
caché à sa vue. »
Lama GOUINDA (
Le chemin des nuages blancs ) «
Quel soulagement quand on arrive chez les Népalais, quand
on voit un sourire, le sourire naturel qui vient à vous,
qui attend de vous son retour heureux. ».
Soixante ans après Henri MICHAUX, l’émotion
continue d’étreindre ceux qui pénètrent le Népal. Le Népal
est un festin, une superbe table d’hôte où les femmes
sont belles, les enfants bruns et ronds, les sourires généreux
parce que la montagne gomme tout, même la pauvreté. Le Népal
est une région mythique d’une noblesse, d’une pureté
et d’une splendeur unique. Le Népal
est un royaume secret, un royaume de paix et de sérénité. Le Népal
est un silence parfait dès que l’on quitte la ville et
que l’on flâne à l’arrière du groupe. Silence que
seul brise le grondement distant de la rivière dans sa
gorge, le chant d’un coq, le brouhaha joyeux des enfants,
le namasté du paysan que l’on croise sur le sentier.
Difficile,
oui très difficile de ressurgir ainsi du moyen-âge en
pleine société sophistiquée. On ne revient pas intact du
Népal. Certains y perdent le nord, la boussole entière
( ou leur GPS ?). Salut
à vous femmes aux yeux noirs et à la peau d’ambre,
femmes des neiges éternelles ! Salut à
vous bergers des altitudes, gardiens de maigres troupeaux
dociles et de traditions immuables !
Salut à
vous femmes d’Etapp aux charmes ravageurs et aux
babillages mélodieux, femmes radieuses !
Salut
à vous Nath et Gérard, chevilles ouvrières et ferment de
notre équipe. Merci à vous !
Le
voyage est terminé mais vous me collerez toujours à la mémoire.
DANHYABAB !
NAMASTE.
MAURICE
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