1997 Syrie/Jordanie

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        SYRIE - JORDANIE 1997  

« En instruisant en philosophie de ce qui concerne ce globe vous portez d’abord votre vue vers l’Orient, berceau de tous les arts et qui a tout donné à l’Occident. »

VOLTAIRE (« essai sur les mœurs »)

«  Si tu veux résider en Syrie, fais le car le Prophète dit : « allez vivre en Syrie, qui est la meilleure terre de Dieu et que préfèrent les meilleurs de ses serviteurs »

IBN ARABI (Futuhat 1,82)

La Syrie ? On y va pour la poésie bien sûr, pour la confiture de roses, le dessin ajouré à double épaisseur des luths, pour le savant réseau entrelacé de mosaïques de la Grande Mosquée, la grâce élancée unique du minaret saljoukide de la mosquée d’Alep, les rondeurs toutes féminines des coupoles des hammams, la toute douce chaleur du pain détaché à l’instant du vieux four, pour la découverte, plaisir unique, de PALMYRE, qui flambe au petit matin et Apamée au coucher du soleil, pour les chants des muezzins qui s’élèvent des mosquées de Damas et qui vous réveillent à l’aube.

La Syrie ? On y va pour le vol léger des pigeons qui tournent dans le ciel, s’ouvrant et se fermant, éventail ou cerf-volant ondoyant face gris sable, marron beige et pile blanc, au bout d’un fil invisible.

La Syrie ? Langue de sable rouge coincée entre le sel de la Méditerranée et les galets de l’Euphrate qui déroule son ruban bleu dans la steppe ocre des champs, arpents géométriques et colorés volés à la terre aride à force de labeur. Terre labourée par Adam et irriguée par les fils de Noé.

La Syrie ? Des déserts, des plaines, des vallées qui font rêver, une côte ensoleillée sur la Méditerranée, des châteaux forts du moyen âge, des mosquées, un port entre l’Orient et l’Occident, carrefour entre l’Anatolie et l’Egypte, passerelle entre monde sémite et indo-européen.

La Syrie c’est l’histoire présente à chaque pas.

Et la Jordanie ? On y va pour visiter les sites de la Terre Sainte. Ici on respire l’histoire à ciel ouvert, l’ancien et le nouveau testament, les premières années de l’Islam. Pour se promener dans les paysages lunaires du Wadi-Rum aux roches chaotiques de toutes les couleurs et aux dunes de sable luminescent.

La Jordanie ?  La pierre omniprésente dans les sillons des labours, dans les craquelures des chemins creux et les hommes qui les recueillent, les façonnent et les sculptent.

La Jordanie ? On y fréquente l’histoire à ciel ouvert sur les traces d’Alexandre, des croisés, de Saladin, de Lawrence d’Arabie. Le royaume Hachémite doit son nom au Jourdain dont il partage le passé témoigné par les ruines de la Province arabe créée par les romains, le chapelet des châteaux du désert construits par les Omeyyades ou les étranges monuments légués par les Nabatéens.

La Jordanie ?  On y va pour contempler la merveilleuse Pétra, extraordinaire cité s’offrant comme une hallucination de pierres entre pourpre et ors creuse dans les grès multicolores.

Comment résister à de tels arguments ?

Alors AHLAN WA SAHLAN aux trente aventuriers.

J1 - STRASBOURG/NANTES/TOULON  -  DAMAS  01/11/97

Rendez-vous à 6h15 à Entzheim- Airport pour les Alsaciens car Syrian Air a avancé son vol d’une heure au départ de Paris soit 12h10 au lieu de 13h10. Tout ce chambardement pour décoller à 14h01 !! Décidément les mathématiques de l’aéronautique ressemblent fort à celle de nos énarques ! Autre contretemps au début du voyage : nous avons laissé Gérard sur le tarmac, retenu qu’il était par ses obligations professionnelles. Voyager sans lui c’est comme Munich sans la bière, la Bretagne sans Yves ou le fond du bus sans whisky. 

Une fois dans la carlingue qui nous sert d’avion, nous sommes déjà dans l’Orient profond : odeurs de patchouli et de beurre rance, fauteuils défoncés, pleurs et cris d’enfants, sachets vomitoires garnis et stewards se prélassant dans les sièges du fond tandis que l’unique hôtesse s’agite dans les travées. Malgré tout cela nous nous posons à Damas avec quelques heures de retard. Là nous attend notre guide AYHAM qui nous fait part de suite de deux notions fondamentales pour la compréhension de son pays. La première concerne le temps : « il faut essayer si on a le temps de gagner du temps sur le temps » et inversement d’où les retards. La seconde concerne l’architecture des minarets : « ceux-ci sont ronds dans leur immense majorité pour éviter la poussière dans les coins. » Jamais nous n’aurions songé que la poussière fut une telle préoccupation pour les Syriens. 

Gîte du jour : Hôtel CARLTON

J2 -   DAMAS  - LATTAKIEH            02/11/97

Départ dès l’aube dans l’espoir toujours aussi insensé de « gagner du temps sur le temps »Nous traversons une morne plaine pour déboucher dans une vallée riante au fond de laquelle se niche accroché à la falaise le village de MAALOULA avec ses maisons bleues, ocres, mauves ou blanches. Ici on parle encore l’araméen, la langue du Christ. Le prêtre du couvent SAINT-SERGE nous récite le Notre-Père dans cet idiome au cœur de sa chapelle surtout réputée pour ses icônes. La plus belle représentant la Cène a été malheureusement remplacée par une carte postale de mauvaise qualité. Le chef-d’œuvre ayant été volé par un Allemand (ou un Français dans la version allemande) . On nous aide à oublier cet incident pénible avec un verre de vin local (et ceci à 9heures du matin !!). Outre Saint Serge, on vénère ici Sainte Thècle et on lui a dédié un monastère fait d’une succession de terrasses et d’escaliers montant vers une grotte où suinte une eau miraculeuse.

Nous prenons la route vers le KRAK DES CHEVALIERS, « le plus admirable de  tous les châteaux du monde » pour Lawrence d’arabie. Nous avons tous sur une plage tenté instinctivement de reproduire cette fabuleuse forteresse, ce parangon de château-fort. Par ses dimensions et sa perfection technique il demeure un symbole. Il illustre une époque. Il représente inscrit dans la pierre tout à la fois la volonté des envahisseurs de se maintenir dans cette position lointaine et l’opiniâtreté des troupes de l’Islam à recouvrer leur terre et leur droit.

Le vent mugit dans les galeries, l’herbe s’insinue insidieusement dans les pierres, l’humidité délite le crépis des 9 citernes. Et pourtant sur des centaines de mètres les salles, les couloirs, les rampes d’accès sont couvertes de voûtes intactes d’une incroyable perfection ; les glacis à forte pente dans lesquels s’enroche le plus puissant ouvrage présentant un appareil de gros blocs qui n’a pas fini de défier les siècles ; les fenêtres de la grande salle seigneuriale aux sobres et délicates ogives reposant sur colonnettes sont comme un sourire au cœur de l’austère monument.

Toutes ces pierres ont mis certains genoux à rude épreuve mais l’ouverture du bar (toujours au fond du bus) et un repas remettent tout le monde d’aplomb.

Nous continuons à remonter le temps jusqu’au IIIème millénaire et jusqu’à AMRIT. Notre premier arrêt est pour la nécropole avec ses deux tours funéraires (une ronde et une cubique) contenant une chambre le tout hautement surveillé par l’armée !

Puis c’est la visite du temple – le MA-BED – constitué par un bassin creusé dans un rocher avec au centre le naos posé sur un énorme bloc de pierre. Dans ce naos se tenaient les trois statues de divinités. Ce bassin était  alimenté par une source aux vertus médicinales. Dans ce site nous avons échappé à un incident grave car deux jeunes femmes du groupe (D iu Dany et Gru…Isabelle ; les initiales afin de préserver leur anonymat !) ont sauvagement agressé un mulet négligeant le brave berger qui s’était déjà préparé à l’assaut.

A TARTOUS dernier arrêt du jour pour admirer les vestiges de la citadelle des croisés aujourd’hui transformée en habitations.

Le dîner est perturbé par l’agitation d’un jeune marié (non breton) ému à l’évocation de la pigmentation carotte d’une ancienne compagne de chambre. Ne comptez pas sur moi pour de plus amples détails. Il y a des histoires qu’il vaut mieux laisser dans les placards.

Gîte du jour : RIVIERA HOTEL        

J3  - LATTAKIEH  - MASHTA EL HELOU  03/11/97

L’orage qui gronde nous réveille au petit matin mais la météo nous est favorable dès que nous arrivons sur le site d’UGARIT arasement de ruines trouvées par des “ fouilleurs et des chercheurs ». Il faut aire beaucoup d’efforts pour imaginer les temples et les maisons en terrasse ou les palais. Il ne subsiste qu’un labyrinthe de pierres enfouies dans les herbes folles et les ronces. Mais de l’imagination nous en avons à revendre alors… De toutes façons le guide nous a prévenu : « Aujourd’hui c’est mieux qu’hier mais en moins bien » .

Notre croisade nous amène ensuite au château de SAONE ou SAHYOUN plus connu sous le nom de château de SALADIN. Ici pas d’effort d’imagination car cette forteresse imprenable donc prise, a encore fière allure sur son promontoire rocheux au confluent de deux torrents. Que dire devant cette entaille dans le plateau sur 150 m de long ne laissant qu’une aiguille support du pont-levis ?  Les constructions franques (donjons, poternes, … se mêlent aux apports musulmans mosquée, hammam, madrassa…) le tout surmonté d’une citerne impressionnante. A la fin de la visite nous avons droit à une averse le temps du repas, ce qui ne nous inquiète pas puisque le gourou annonce une éclaircie sur le QALA’AT MARQAB. Cette prévision va entraîner la conversion d’un agnostique invétéré qui du même coup renonce à tous ses biens terrestres (Isabelle je t’attends). Après SAUL sur le chemin de DAMAS, on va parler de Saint YVES H. sur la route de MARQAB. Cette forteresse (le Qala’at Marqab pas Yves) se dresse telle une sentinelle face à la mer et son impression de puissance due à sa double enceinte et encore renforcée par sa couleur noire due au basalte. Ce colosse abrite une chapelle romane avec une nef d’une pureté remarquable.

Nous terminons cette journée sous la pluie à MASHTA AL HELU.

Gîte du jour : MASHTA AL HELU RESORT

J4 - MASHTA AL HELU  -  HELU      04/11/97

L’orage qui gronde nous réveille au petit matin ( non ce n’est pas hier, aujourd’hui aussi !). Mais le gourou est optimiste. Nous pouvons repartir dès que Michel aura retrouvé sa clé. AYHAM ( surprise en syrien) nous parle de son pays pendant le trajet. La Syrie s’avère être un pays de cocagne : pas d’impôt, essence peu cher, soins gratuits, logement pour tous et ici les femmes peuvent « mettre les voiles si elles veulent ; elles ne sont pas obligées ».

Nous nous arrêtons à HAMA pour voir les fameuses norias chères à Maurice BARRES :  « …devant les humbles roues des moulins élevés à la dignité de poèmes vivants je goûtais la volupté de ces vieilles oasis d’Asie …/…roues ruisselantes qui tournent jours et nuits au fil du fleuve pour élever l’eau bienfaisante et remplissent le ciel de leurs gémissements ».

Les norias de bois brassent toujours les eaux vertes du fleuve rebelle, l’Oronte, avec le même grincement plaintif qui berçait les croisés, les Sélucides, les Assyriens, les juifs et les lointains phéniciens. Elles continuent à éclabousser l’insondable temps qui passe. Nostalgie d’un passé arrêté dans une vision d’un Orient sans âge. Et comme avec le poète SAADI nous pouvons dire : « Le gémissement de la roue qui élève les eaux suffit pour donner l’ivresse à ceux qui savent goûter le breuvage mystique ».

Puis cap sur APAMEA – la cité aux 1200 colonnes. On reste en effet ébahi devant cette magnifique colonnade rehaussée en arrière plan par la citadelle de QLA’AT EL MUDIQ perchée sur un rocher. Le cardo d’une longueur de 1850m alterne avec grâce les fûts lisses, à cannelures verticales ou rudentées ce qui en rompt la monotonie… (le reste dans votre guide préféré). Mais une fois encore ce haut lieu culturel est pollué par des trafiquants de toutes sortes :  « vraies » antiquités, fausses Rolex… Et comme un malheur n’arrive jamais seul la restauration du site a été confiée à des Belges qui ont monté les colonnes à l’envers !!! Erreur aujourd’hui réparée.

Après le repas nous prenons la route des villes mortes sur le plateau calcaire du Nord. Cette région aride et désertique est peu propice à l’agriculture mais est ensemencée des ruines de près de 700 villes. Quelques-unes offrent encore de belles constructions comme celle de SERGILLA qui est une des mieux conservées. On y trouve des pressoirs à olives, une église, une nécropole, des thermes et un andrôon. Le calme est absolu et l’on craint de réveiller les âmes qui dorment ici. On a l’impression qu’il ne faudrait pas grand chose pour que la vie reprenne ici.

Après un petit coup d’arak (surprise du jour) nous reprenons la route d’ALEP. Pour l’atteindre on roule pendant des heures à travers un paysage d’une uniformité absolue ; un plateau de terre rouge, sans dénivellations appréciables, sans un arbre, sans une ville. Rien n’y atteste la présence de l’homme que quelques rares villages ou quelques moutons cheminant dans la solitude. Et brusquement Alep apparaît sans que le moindre changement de l’aspect de la contrée ait laissé pressentir son approche. « Alep, poème de pierres grises de jour, dorée le soir apparaît au premier regard en tous points semblables aux vieilles estampes romantiques. Merveilleux paysages estompés de brumes, écrasés de soleil ».

Après le dîner un petit groupe se dirige vers le hammam, lieu de convivialité et véritable art de vivre en Orient. Nous pou le hammam YALBOUGHA magnifique construction du 14ème siècle niché au pied de la citadelle : cadre grandiose à la hauteur de l’événement. Dans la moiteur de la salle chaude, nous puisons l’eau dans des vasques de marbre sous une coupole percée de trous qui dessinent une étoile lumineuse. Puis nous fumons un narguilé accompagné d’un thé brûlant alanguis sur les coussins fanés dans la salle de repos. Ces vénérables voûtes tremblent encore  après le passage de ce groupe pour le moins bruyant ressemblant à la smalah d’Abdelkader après la bataille d’Alger !

Gîte du jour : AMIR PALACE

J5  - ALEP - SAINT SIMEON -ALEP       05/11/97

L’orage qui gronde nous réveille au petit matin… si, si c’est vrai !!!

Nous partons de suite vers SAINT SIMEON avec en route la surprise du jour : la voie romaine reliant Alep à Antioche et inversement. Une fois encore le soleil est au rendez-vous au QALA’AAT SEMAAN, la basilique su Stylite. Ce saint homme a passé 42 ans sur une colonne de 12m à prier et méditer malgré la rigueur de l’hiver et l’ardeur du soleil en été. Son biographe Théodore de Saint-Cyr disait : «… je redoute de faire le récit de sa vie de peur qu’aux gens à venir il ne paraisse une fable totalement dénuée de vérité ». Pour honorer sa mémoire il fût construit en 476 un martyrium cruciforme, d’un monastère, d’un baptistère et d’une église. L’ensemble est un joyau de l’art paléochrétien placé dans un écrin à sa mesure : une colline ombragée de pins d’Alep, de pistachiers et d’oliviers.

Une fois encore l ‘état de semi-béatitude du groupe au sortir de ce sanctuaire a été perturbé par l’intrusion d’une chemise de nuit dans le bus. O tempe, o mores !! Les jeunes filles ne sont plus ce qu’elles étaient n’est-ce pas Mado ?

Et enfin ALEP, EL CHEBA la « grise » en raison de  la couleur pâle du calcaire dont elle est construite et de la brume grisâtre qui y flotte en permanence. La ville s'enroule autour d’un édifice prodigieux, la Citadelle, la forteresse crénelée et bastionnée se dressant sur un glacis abrupt. De pur style arabe cette citadelle inexpugnable fût modifiée par les Byzantins, par les fils de Saladin et les Mamelouks. Ce symbole de l’invincibilité était aussi le point de rencontre entre l’Orient et l’Occident grâce à ses kahns. Du sommet de la citadelle les terrasses aux lignes horizontales se brisent dans un élan de clochers, de minarets ou d’envols d’hirondelles. Les portes d’Alep s’ouvrent comme une femme lève son voile pour donner le plus beau d’elle-même, la couleur de sa peau et de ses yeux.

Nous découvrons le kahn du ministre, le KAHN AL WAZIR, qui dresse sa façade jaune et noire à côté de la Grande Mosquée. C’est un des plus beaux d’Alep, il se distingue par une belle porte et une architecture délicate.

A côté se dresse la grande MOSQUÉE AL BAHRAMIYA de pur style ottoman. Dès que l’on pénètre dans son enceinte, le bruit pétaradant de la ville disparaît. Ici silence et recueillement à peine troublés par le vol des pigeons ou les mélopées d’une prière. Elle abrite une relique de Zacharie (la tête) qui est vénérée par les chrétiens et les musulmans. Nous quittons cette sérénité pour les dédales bruyants et odorants des souks. Les boutiques sont si exiguës et si remplies que les marchands peuvent y tenir à peine. Les souks déroulent des kilomètres de venelles couvertes où parfois une trouée de lumière poudreuse fait cligner les yeux. Le nez palpite, flatté par les effluves de pain chaud, d ‘épices et de café. Ce café est un rituel quotidien. C’est tout l’univers qui se reflète dans un moment magique. « Le Sinaï, plateau rond, représente la terre, la cafetière, le ciel et les verres la pluie. La terre et le ciel s’unissent dans  la pluie… ». Chaque quartier a sa  spécialité : bijoux, tapis, tissus, friandises, épices, cosmétiques… Ici des marchands d’étoffe font crisser leurs ciseaux dans les scintillements de paillettes et un tailleur exhibe des vestes soutachées d’or. Là des robes de mariée allant du rose bonbon au vert pistache, de quoi transformer la plus belle promise en loukoum indigeste. Plus loin on trouve tous les secrets de beauté. Ces brindilles s’avèrent être du dentifrice et ces pierres du shampooing. Les fameux savons d’Alep voisinent avec un gant de crin pour hammam. On y trouve encore les meilleures pistaches du Moyen-Orient, petite, peau violette et à chair bien verte sous leur coque salée. Mais les souks les plus beaux sont ceux de la nuit, du silence quand les portes se referment. Alors l’architecture creuse des songes qui ont une mémoire. Celle des caravanes qui ont posé au fond des kahns (caravansérails) leurs fabuleuses richesses. Un mystère plane sur les souks la nuit : une solitude sacrée.

Nouvelle sortie nocturne pour un spectacle de derviches tourneurs dans un cadre du  bismaristan ARGHOUN, ancien hôpital psychiatrique médiéval. Les danses nous sont présentées dans l’iwan d’une cour octogonale agrémentée d’un bassin. De là part un couloir menant aux cellules où étaient enfermés les fous les plus dangereux. Nous rentrons néanmoins au complet à l’hôtel.

Gîte du jour : AMIR PALACE

J6 -   ALEP – PALMYRE                06/11/97

L’orage n’a pas grondé mais nous nous réveillons quand même vers cette Atlantide du désert qu’est PALMYRE. Nous nous arrêtons à EBLA que nous avions laissé de côté en montant vers Alep. Toujours ce problème de temps… En arrivant sur ce site archéologique essentiel, il nous faut une bonne dose d’imagination pour nous représenter l’antique cité qui se trouvait là et dont parlaient déjà les Sumériens. Aux béotiens que nous sommes, elle apparaît comme un champ de grosses pierres avec des excavations.

L’étape suivante sera beaucoup plus parlante, il s’agit du musée des mosaïques de MAARAT AL NOUMAN logé dans le plus vaste kahn de Syrie qui à lui seul mérite la visite. Au centre de la cour se trouve une tekkiya (centre d’initiation pour derviches tourneurs). Dans les anciens entrepôts se trouve une superbe collection de mosaïques dont les plus belles sont celles d’Hercule et de Rémus et Romulus.

Nous faisons un deuxième arrêt à HAMA pour le déjeuner, ce qui permet une fois encore d’admirer les norias. Nous y avons droit à la surprise du jour : une pâtisserie locale à la consistance protoplasmique et dont le goût n’est pas sans rappeler certains fromages corses après la date de péremption.

Enfin, nous abordons la steppe syrienne, le monde des bédouins, des caravanes, des oasis et des … militaires. Dans ce pays austère et sous la pluie, Yves ( pas le Breton, l’autre) fait arrêter le bus pour prendre une photo !! La première en plus de 15 années de voyages. Nous nous sommes demandés l’espace d’un instant s’il fallait alerter « Europe Assistance ».

Enfin l’oasis de PALMYRE apparaît comme un mirage dans l’immensité du désert. L’antique TADMOR évoquée par le roi Salomon, gerbe de pierres hantées par Zénobie, élève ses colonnes de mémoire dans le soleil, la pluie et le vent. Une mémoire qui aspire à la rencontre de la mythique reine.

« De teint mât et brun, elle avait des yeux noirs mais d’une incroyable beauté, le regard vif et d’un éveil divin » (TREBELLIUS PALLIAN)

Gîte du jour : ZENOBIA HOTEL

J7 - PALMYRE  -  DAMAS               07/11/97

Matinée consacrée à la visite du site de Palmyre. Etape des caravanes de la route de la soie et de l’encens, PALMYRE menaçait la grande Rome au IIIème siècle. Seul souvenir des opulentes caravanes qui transitaient par l’agora, un dromadaire blatère avec mélancolie, chargé de pompons pour plaire aux touristes. Des bergers font paître leurs moutons parmi ses ruines surgies du désert et meurtries par la caresse des vents de sable.

PALMYRE comme sa reine eut un destin de météore. Celle que l’on nomme aussi TADMOR est une oasis où la vie se réduit à une épure : de  l’eau pour assouvir la soif, des palmes pour l’ombre, des collines pour les mors qui la pleurent et le soleil pour accabler les vivants. Tout autour à perte de vue le désert semi steppe à l’herbe rare où souffle un vent qui assèche la voix et aiguise les regards.
On s’arrache avec peine de sa beauté poignante.

Durant la visite, nous apprenons qu’une eau sulfureuse arrosait la palmeraie de dattiers. Elle avait la propriété de « guérir de la foi » ( propos sulfureux, n’est-il pas ?). Un autre centre d’intérêt de PALMYRE est la nécropole qui est la plus vaste du  monde gréco-romain : 150 tombeaux tours pouvant accueillir jusqu’à 300 dépouilles chacune. Le repos de ces pauvres défunts a été par un apéritif offert par les mariés de l’année : Gwaen et Yves, Madeleine et Michel et bien sûr inversement. Faut-il chercher une symbolique dans le choix de l’endroit pour fêter de tels événements ??

Entre-temps Patrick s’était fait une petite frayeur en pensant avoir perdu son portefeuille quelque part entre l’Arc monumental et le camp Dioclétien soit dans un champ de pierres d’environ 500 000 km². En fait l’objet se trouvait dans son blouson, dans le … bus ! D’ailleurs dans ce véhicule, il se passe de drôles de choses : des gâteaux qui disparaissent et réapparaissent. Des mauvaises langues accusent ce pauvre Michel en raison de turpitudes antérieures. En fait nous nous rendons rapidement compte que la coupable est Corinne. Il y a des doigts poisseux et des moustaches sucrées qui ne trompent pas. Comme un malheur n’arrive jamais seul, Ayham nous apprend que cette pauvre Zénobie «  a été décapitée ou coupé la tête ou quelque chose comme çà ». Heureusement, il efface cette impression pénible en nous récitant un poème à la gloire de PALMYRE où il est question de cœurs qu’on arrache, de pleurs, de cris, de fureur…

            Nous reprenons la route vers Damas car il est écrit : « Relève-toi, va à Damas. Là on te dira ce qu’il est prescrit de faire. » (Actes des Apôtres, IX, 10-11). Nous traversons la steppe désertique où la camionnette a remplacé le dromadaire. Mais quelques bédouins plantent encore leur tente aux pans de laine tissée. A l’intérieur des patchworks multicolores tendus sur quatre piquets délimitent les chambres de chaque couple. Malgré le réchaud à gaz, ils conservent le foyer traditionnel creusé dans le sol. C’est là que tous se réunissent pour la plaintive mélopée de la rababa, sorte de violon, tandis que le narguilé circule à la ronde.

            Arrivé sur place, nous montons sur le QASSIOUN, monument essentiel d’une simplicité désarmante d’où l’on peut voir l’ensemble de la vielle ville. AL-QASIM b’ ABD AL RAHMANN a dit “ Dieu a révélé au Mont Qassioun : donne ton ombre et ta bénédiction à la montagne de Jérusalem. Ainsi fut fait. Alors Dieu lui révéla : puisque tu as obéi, je me ferai construire en ton sein une maison – la mosquée de Damas – où l’on m’adorera encore 40 ans après la fin du monde. »

                        Gîte du jour : HOTEL CARLTON

J8 - DAMAS                            08/11/97

 

« Damas ! Comme on respire des roses coupées ;

Leurs odeurs déjà morte et douce encore

J’aime le souvenir mystérieux et fort qui évoque ton beau nom dans un éclair d’épices »

(Henri de Régnier)

 

« Damas si jeune, si vieille et dont les misères et son immortel prestige, au milieu des

Grandes collines fauves, nous éblouit et nous attendrit.

Un des piliers de l’imagination, une des résidences de la poésie,

 Un des châteaux de l’âme. »

(Maurice Barrès)

 

« Toute jeune malgré sa vieillesse. Toute belle malgré sa fatigue.

Assez émancipée mais son attachement aux coutumes et aux vieilles habitudes, cette grande dame vous reçoit à bras ouverts.

Vous berce discrètement, voluptueusement, sans que vous le sentiez…

Et doucement, doucement se met à vous raconter l’humanité.

Depuis le tout début jusqu’à l’éternité.

Eblouis par les images des temps révolus,

Enthousiasmés par les lumières des siècles à venir

Vous avez l’impression que les âges se confondent, que la vie tourne au ralenti…

Et vous êtes blottis dans les bras de l’Histoire.

Et vous vous demandez qui est donc cette femme dont le parfum si fin,

Si profond, si nostalgique, vous enivre ! Et vous découvrez qu’elle s’appelle DAMAS »

(Colette EL KHOURI)

Personne ne sait mieux que vous mes chers compagnons de voyage qu’il ne faut pas confondre la ville avec le discours qui la décrit. Damas est une ville qu’il faut regarder les yeux fermés. Commencez par le parfum de la rose et de l’abricot, écoutez le « ud » (luth) et le bouzouk, faites vous conter les mille merveilles du passé et alors seulement vous pouvez voir la ville derrière la ville

            Damas un nom et notre imagination s’enfièvre.

            Damas est d’abord un mot, un mot chargé de sens variés. On ne sait plus guère qu’une lame d’acier damasquinée (trempée et martelée plusieurs fois) était travaillée dans cette citée syrienne. Cette lame pouvait en outre être damasquée (sertie d’un fin ruban d’argent ou d’or dessinant un motif épigraphique). Les damas des temps anciens étaient des pièces de soieries brochées et moirées. Les croisés ramenèrent la rose de Damas, mère de toutes les variétés créées depuis. Et il y a bien sûr le chemin de Damas de Saül de Tarse, le futur Saint Paul…

            Les poètes l’ont surnommée la  FAIYHAA (la parfumée), le diamant, la fiancée de la terre, la mère de toutes les villes, grain de beauté sur la joue du monde… Elle est au centre d’une immense oasis, la GOUTHA et traversée par la BARADA, qui amène l’eau fraîche de l’Anti-Liban. Les musulmans ont toujours considéré cette oasis comme un véritable paradis sur terre. Mohamet lui-même atteignant le faubourg de Qaddam au cours d’un de ses voyages aurait hésité à pousser plus avant à la vue des vergers et des canaux par crainte de pénétrer dans le paradis terrestre avant le paradis céleste.

Damas la grande se trouve mentionnée dans la Genèse (X,10) et son fondateur est Sem, le fils de Noé. Elle est citée dans une inscription de la XVIIIème dynastie égyptienne et dans les poèmes de Salomon. Quatrième lieu saint de l’Islam après La Mecque, Médine et Jérusalem et sur le même plan que Kairouan. Abraham y serait né et Moïse y serait enterré. C’est là que Saül est devenu Paul. L’archange Gabriel serait apparu dans une grotte du djebel Qassioun à la vierge Marie et c’est dans une autre qu’elle aurait trouvé refuge après la mort de Jésus. Et c’est parait-il sur le plus ancien de ses minarets que Jésus reviendra à la fin des temps pour tuer Al-Dajal, l’Antéchrist. 

La topographie de Damas se construit autour de la vielle ville et de ses murailles percées de 7 portes qui délimitent quartiers et confessions. Une artère, la Via Recta la perfore.

Dès l’aube on se trouve dans l’Orient avec sa confusion primordiale. Les gens s’agitent aiguillonnés par le soprano surnaturel d’un muezzin provenant d’un minaret voisin auquel répondent des échos plus lointains. Et l’envoûtement de leurs psalmodies demeure malgré les haut-parleurs. 

Une vie fébrile et criarde dans ses artères encrassées. C’est d’abord un brouhaha de klaxons de mille véhicules de tous âges et de toutes origines qui tournent en désordre. . C’est aussi le cri des vendeurs à la sauvette, les murmures des foules empressées. Les illusions de d’occident que donnent les boulevards bien taillés sont vite balayées par le tumulte de l’Orient.

Impression confirmée dès que l’on entre dans le souk AL HAMIDIYEH où le cri des marchands et le piétinement de la foule résonne avec un fracas assourdissant sous cette voûte de tôle qui laisse passer une lumière si faible qu’une multitude de lampes est nécessaire pour illuminer les échoppes. Les boutiques sont pourvues de vitrines et de rideaux de fer avec un premier étage d’ateliers et de bureaux. L’architecture correspond d’une certaine façon aux produits proposés : savon, confection et bijoux bon marché, lingerie « fine » aux couleurs de loukoums et à la coupe osée, matières plastiques…

Les activités plus traditionnelles et les plus prestigieuses des anciens caravansérails se trouvent dans les rues transversales. Pharmacies populaires qui proposent de la poudre de salamandre qui renforce la puissance sexuelle (je ne dénoncerai pas les acheteurs ! ), poudre  de langue de bœuf contre l’inflammation, le hérisson pour freiner la chute des cheveux (toujours pas de délation), des cornichons indiens soignants le ventre, le bois de benjoin et les petits crabes seraient  bons pour les douleurs de toutes natures. Et bien sûr on peut acheter une carapace de tortue à poser sur la poitrine des enfants pour empêcher les cauchemars. Tout cela vous sera confirmé par Anne-Cécile et Dominique (ou inversement). Dans d’autres boutiques qui ressemblent à des cabinets d’accessoiriste pour films d’épouvante, on voit accrochées des peaux de serpents, de varans, de lézards, de chats ou de renards. Ailleurs des éponges géantes ou tout un bric à brac d’objets mystérieux.

Les pâtissiers exhibent dans leurs vitrines miroitantes et poussiéreuses des mlebban (amandes nappées de sucre), des fruits confits, des chocolats « faits maison ». Chez les parfumeurs, parmi les fioles métalliques qui contiennent des essences artificielles on peut découvrir quelques fioles d’eau de rose de Damas.

Autres artisans : les fabricants d’épées, les tisseurs de brocards de soie, les ébénistes façonnent de petits meubles de bois incrusté (lutrins, tables basses, commodes et même coffres), des souffleurs de verre qui dès la naissance du Christ utilisaient le sable fin et le bois de pin de l’oasis et dont la technique a été ramenée à Venise par les croisés au XIIème siècle. Et tout cela est fouetté par le parfum des épices et les vapeurs âcres des triporteurs boiteux, bardés de pots et surchargés de marchandises qui slaloment dans la foule en esquivant une Chevrolet ou une Pontiac hollywoodienne. Pendant ce temps une foule affairée mais nonchalante s’écoule entre les voitures et les vélos. Le tout dans un concert d’avertisseurs énervés, de coups de grelot, de clappements de langue ou de salamalecs gutturaux.

Nous quittons cette cacophonie le Temple de Jupiter ( ou ce qui en reste) pour nous recueillir dans le mausolée de Saladin avant de nous rendre vers celle que les Arabes appellent la 4ème merveille du monde : la Mosquée des Omeyyades. «  Les merveilles du monde sont au nombre de sept … la  4ème c’est la mosquée de Damas avec les sommes qui lui sont consacrées, … la 5ème est le marbre veiné et les mosaïques qui n’ont nulle part leurs semblables… ». D’après la légende elle subsistera 40 années après la fin du monde. Elle est la reine de la ruche que nous venons de quitter.

Ses ors, ses argents, ses mosaïques, ses marqueteries et ses marbres forment l’une des plus belles réussites architecturales d’un art qui mêle le génie d’artisans persans, byzantins, hindous et maghrébins. Ici le cœur de Damas se débat avec le centre de la foi et le petit commerce.

Sa grande arcade est surmontée d’une galerie bien proportionnée avec une nudité toute islamique. A l’origine, cette nudité s’habillait d’un chatoiement de mosaïques. Quelques-unes subsistent. En dépit de leur pittoresque pompéen, de leurs palais à colonnades et de leurs nids d’aigles crénelés, ce sont de véritables paysages visant à restaurer l’identité d’un arbre ou l’énergie d’un torrent. Quand le soleil en accroche un fragment on peut se représenter le ruissellement vert et or des origines, à l’époque où le parvis tout entier scintillait de ses scènes magiques élaborées par l’imagination arabe pour compenser les éternités arides du désert. De ses minarets, la voix des muezzins se promène dans les ruelles des souks que nous reprenons pour nous rendre dans une mosquée chiite. 

Là tout est ostentatoire et clinquant : la décoration surchargée de dorures et de verroterie. Les regards ont perdu leur nonchalance bienveillante et sont plus suspicieux. La démonstration de la foi plus « méditerranéenne » mêlant pleurs te baisers. Nos compagnes fagotées de tchadors noirs ne sont pas sans faire penser à un défilé du ku klux klan. Nos pérégrinations à travers la ville nous amène au palis AZEM, chef-d’œuvre du baroque musulman. Autour du palais les vielles maisons de guingois s’enchevêtrent si étroitement que l’on pourrait s’embrasser d’un balcon à l’autre, par-dessus les ruelles. Affiches, cadres, banderoles étalent des portraits de Hafez el Assad, président depuis 77 (4ème septennat avec 99.9% des voix). De quoi faire pâlir certains de ses collègues… Les hammams gardent un charme nu et offrent une nonchalance d’orient où la vapeur crée un rêve étrange parfumé de savon de laurier et d’olive. Nos pas nous amènent à la chapelle d’ANANIE où Saül retrouva la vue après sons entrée dans Damas. 

Notre dernier arrêt est pour le palais DAHDAH de nom de celui qui l’habite encore et qui nous fait l’insigne honneur de nous recevoir. Cet homme du monde, archéologue éminent et autoritaire de surcroît commence à être aussi décati que sa demeure, mais à lui seul il vaut de détour.

Coucher de soleil sur Damas, la montagne, le Quassioun, se fait violette, parme ou couleur lilas dans ses replis d’ombre. Là-haut où le sommet rejoint le ciel, s’effile une longue trame d’or. Le dieu Cham une fois encore illumine sa ville. Cà et là déjà s’allument sur les pentes les ampoules nues, le point jaune des cubes blancs, le signal vert d’une mosquée, une guirlande multicolore d’un restaurant. Le Quassioun scintille de milliers de lucioles. Le gris du soir, le silence qui précède les premières lumières étranges car il fait encore jour, mais ce jour tombe vite, les lumières se multiplient, les cris d’une mosquée, puis de deux, puis d’autres, puis toutes : perception de toute l’étendue de la ville par le son. On s’immobilise, tout à la fois saisi et paisible.

« le monde de Damas est agréable pour qui l’a choisi et je ne veux pas d’autre lieu que Damas pour vivre ici-bas » AS SAWAWBARI (945)

Finalement Damas est un nom qui caresse la langue, un bruissement d’étoffe moirée, un rêve blotti dans notre imaginaire à l’abri des regards.

Gîte du jour : Hôtel CARLTON

J9       - DAMAS – AMMAN                  09/11/97

Avant de quitter Damas nous nous arrêtons à la porte et à la chapelle du même nom. C’est avec un brin de nostalgie que nous laissons cette ville avec ses clameurs et ses odeurs (senteurs des épices, du café grillé à la cardamome, fumée âcre des narguilés…)

Nous traversons la riche vallée de l’Oronte pour nous diriger vers la frontière jordanienne.

Notre dernière halte en Syrie est pour BOSRA pour y admirer la cité médiévale et surtout le splendide théâtre romain à l’acoustique remarquable perturbée par la complainte éraillée d’un barde alsacien du côté d’Uberach ( si, si ce lieu existe !!) Heureusement cette pollution sonore est effacée par un magnifique chœur de …jeunes filles. Nous arrosons en pleins champs l’événement du jour : l’anniversaire d’Alain K. qui vient de dépasser allègrement la trentaine et se voit offrir une cravate à la discrétion toute orientale et qui suscite la convoitise, justifiée au demeurant, de bien des jeunes gens du groupe.

Arrivés à la frontière du royaume Hachémite et après un périple de 2750 km en terre syrienne, nous abandonnons AYHAM et sommes pris en charge par WAEL. Notre nouveau guide a un débit verbal pour le moins ralenti et des intonations qu’il a ramené d’un séjour à … Mulhouse !!  Son enthousiasme communicatif et sa tonicité lui valent rapidement le surnom de  « Stilnox ».

Nous abordons le premier site jordanien, JERASH, au soleil couchant pour finalement le visiter au clair de lune. L’antique GESERA arbore fièrement des centaines de colonnes finement ouvragées. C’est un bel exemple de l’architecture romaine et byzantine qui doit son originalité à un forum empierré de forme ovale. Le calcaire rose orangé qui le constitue est magnifié par l’éclairage de la lune qui donne à l’ensemble l’aspect romantique d’une gravure du XVIIIème siècle.

L’arrivée à AMMAN nous confirme que la Jordanie a troqué son passé nomade contre le progrès de la civilisation et qu’à défaut d’être le cœur du pays, la capitale en est le cerveau.

Gîte du jour :  HOTEL SHEPHERD

J10 - AMMAN  - CHATEAUX DU DESERT – MER MORTE – AMMAN 10/11/97

Il ne reste plus grand chose de la vieille RABAD-AMMAN, des temples bibliques : trois colonnes et une nymphéa. L’auteur de l’apocalypse l’avait pourtant prévenue : « Cramponne toi à couronne, que nul ne te la vole. »

Cette ville aux 7 djebels est en fait un village qui s’est mué en banlieue, en banlieue d’aucune ville. Vallons de maisons cubiques piquées d’antennes en forme de jarre ou de tour Eiffel.

Le premier château du jour est le QASR EL KARANETH. Il présente une structure défensive quadrilatère sans doute parce qu’il est construit sur un fort romain conçu pour protéger les caravanes. Au premier étage on note des pseudo meurtrières orientées tantôt à droite ou à gauche que l’on fermait selon la direction du vent lors des tempêtes de sable.

Le QASR AMRA ancien pavillon de chasse et complexe thermal des Omeyyades s’avère plus intéressant. Des fresques dans le désert où de surcroît des femmes sont à l’honneur : belles créatures peu vêtues qui met à mal les préceptes de l’Islam. Outre les concubines en bikinis anachroniques on y voit des joueuses de luth, des singes musiciens, des bassins avec des lotus… Sur la voûte en berceau typiquement romaine une série de dessins style B.D relatent le travail de différents corps de métier : menuisiers, maçons, forgerons…

  Les embarras gastro-intestinaux se répandent dans le groupe, certains toussent mais la pathologie de Dany laisse la faculté perplexe. En effet cette jeune personne ( !!) est atteinte depuis ce matin de battements saccadés des paupières dès qu’elle porte son regard sur le guide : Conjonctivite omeyyadienne ???

Le QARS AZRAQ autre fort d’origine romaine doit surtout sa célébrité au fait d’avoir été le château de Lawrence d’Arabie. 

Puis nous prenons la route en direction de la MER MORTE dont la teneur en sel est de 33% d’après Wael et dans laquelle les non-nageurs ne coulent pas et les meilleurs nageurs se transforment en élégantes baudruches !!

Retour sur AMMAN pour la soirée dans un restaurant préféré de Sa Majesté le roi Hussein elle-même : le KAN ZAMAN. Celui-ci, en dehors d’être un ancien caravansérail, a une autre particularité : il est situé à 50 minutes de la capitale dans le sens aller et à 20 minutes pour le retour. A noter qu’il faut passer devant l’ambassade des USA (la plus grande du Moyen-Orient, 4 niveaux en sous-sol, ….)

Le repas fort succulent se passe sans histoire mais se termine de façon plus agitée. Dans cet établissement fort réputé (voir ci-dessus) sévissent deux musiciens atteints probablement de surdité et de coliques néphrétiques tant les plaintes sont déchirantes et sonores. Ces cris lancinants finissent par mettre une partie du groupe en transe sous la houlette de lulu. Ce qui devait arriver arrive :  Sodome et Gomorrhe !! Un libanais obèse et suintant dont le dialogue se résume avec un billet de banque glissé dans le décolleté des dames entraîne deux de nos compagnes, dont je tais les noms par pudeur, dans une sarabande échevelée avec d’élégantes projections du bassin, des déhanchements sensuels et autres mouvements lascifs. L’une des jeunes femmes (tenancière d’un établissement bien connu sur la place de Strasbourg) va même jusqu’à partager le narguilé avec ce mécène qui doit œuvrer à Beyrouth, Tanger, Istanbul et autres places artistiques bien connues. Il paraît, toujours d’après la jeune femme citée plus haut, qu’il n’y a pas de tabac dans le narguilé mais plutôt des herbes, style herbes de Provence (du gros bien sûr !!). Sa complice (compagne d’un ami retenu par des obligations professionnelles) agit sous le regard permissif de sa Maman. Nous touchons le fond !! C’est couvert de honte et d’opprobre que nous retournons à l’hôtel.

Gîte de jour : HOTEL SHEPHERD

 

J11 -    AMMAN – PETRA              11/11/97

Ce matin les héroïnes sont fatiguées et malgré l’usage intempestif de leur « caisse à outil » ont du mal à reprendre un peu de lustre. Nous prenons la route malgré tout pour nous rendre sur le MONT NEBO.

« Et Moïse, parti des plaines de Moab, monta sur le Mont Nébo… » (Deut.,34,4-5)

Nous atteignons le monastère situé sur une crête après avoir traversé plusieurs wadis. Moïse serait enterré la-haut, mais on cherche toujours son tombeau. La beauté du lieu tient de sa position au-dessus de la Mer Morte et de vastes et profonds wadis. De l’autre côté de la flaque bleue se dessinent les falaises de la Palestine. Plus au nord une tache verte signale le Jourdain. On conçoit que ce soit d’ici que Moïse ait révélé au peuple son objectif : «  Yahvé parle à Moïse ce même jour et lui dit : monte sur le Mont Nébo et regarde le pays de Canaan que je donne pour demeure aux enfants d’Israël» (Deut.,32,48-78). A l’intérieur de l’église se trouvent des mosaïques avec des scènes montrant de nombreux animaux sauvages aux prises avec des chameaux. De ce panorama grandiose nous plongeons vers MADBA pour y admirer la carte du même nom. Cet ancien évêché byzantin pointe les flèches de ses églises et de ses minarets dans des champs d’orge, de blé et de tabac. Cette fameuse carte se trouve dans l’église orthodoxe Saint Georges au milieu d’un bric à brac très kitsch. Sa taille initiale était de 25 x 5m formée de 2 millions de tasselles. De cette carte ne survit aujourd’hui, après le passage des maçons du patriarche de Jérusalem, que la Mer Morte, la Palestine, Jérusalem et quelques arpents de la Cisjordanie.

Après quelques kilomètres la morne plaine fait place à un paysage découpé au burin par un wadi profond sur les berges duquel s’accrochent les pins d’Alep. Nous restons bloqués pour un long moment dans ce site grandiose en attendant que trois énormes bulldozers nous dégagent la route encombrée par un éboulement rocheux. Enfin au sommet d’une barre rocheuse la ville apparaît dominant le ravin de la « source de la Dame », KERAK, hiératique et puissante.  Constitues d’immeubles cubiques, elle domine une longue muraille que le prophète Jérémie appelle le « mur de terreur ». Au sud l’extraordinaire forteresse franque au-dessus d’un pavement blanc en forme de jupe qui descend jusqu’à mi-pente. C’est le terrible « Craq de Moab » que El Fahem l’historiographe de Saladin décrivait ainsi : « Kerak est l’angoisse qui étreint la gorge, la poussière qui obstrue la vue, l’obstacle qui étrangle l’espérance. » A travers son architecture se rencontre Orient et occident, aussi indiciblement  liés que les communautés chrétiennes et musulmanes qui l’occupent. Suspendue entre ciel et terre, la ville domine l’espace qui l’entoure.

Nous empruntons la « route des rois » (l’autoroute du désert) pour nous rendre à PETRA, à travers des espaces infinis, une campagne uniforme où seuls quelques arbustes d’armoise, que l’on mélange avec le thé, soulignent les ondulations du terrain. Pourtant, il n’est pas rare, dans un creux, de voir un verger qui s’improvise, un champ de blé labouré, un pâturage illusoire… En poursuivant ce ruban de bitume alors que la steppe semble se dérouler à l’infini, des montagnes surgissent brusquement d’une dépression. Un paysage chaotique ourle le plateau, luis donne l’aspect d’une carte déchiquetée. C’est ici dans un délire de grès que se terre Pétra, la cité rose du désert.

" Pétra l’endroit le plus merveilleux du monde… Tant que tu ne l’auras pas vu, tu n’auras pas la plus petite idée de la beauté que peut revêtir un site"   (Lauwrence d’Arabie)  

Lire cet excellent article du Figaro

Gîte du jour : PETRA PALACE

 

J12 - PETRA             12/11/97

 « Moïse leva la main et frappa le rocher par deux fois. L’eau jaillit   en abondance et la communauté et son bétail purent boire… »

Pétra commence dans la légende. La rivière et le village proches des ruines se nomment Wadi Mousa, la rivière de Moïse. L’antique cité se dissimule au cœur d’un gigantesque chaos de grès innervé de vallées et canyons qui s’entrecroisent entre de hautes falaises. Du chemin qui y mène on ne voit rien ou si peu : gros rochers posés sur un plateau de sable luminescent. Soudain la piste tourne, se rétrécit jusqu’à devenir un étroit sentier entre des falaises rouges, hautes de plus de cent mètres. Nous voici dans le SIKH, le seul accès à l’antique cité, sombre défilé si étroit par endroits que le soleil n’y pénètre jamais. Les pas y résonnent métalliques, l’écho amplifie les murmures. Parfois sur le côté s’ouvre la brèche d’un petit canyon illuminé de lauriers. Fourmi minuscule, impressionnée, vaguement oppressée, en soi se battent la tentation de rebrousser chemin et le désir d’aller au bout du parcours voir la cité merveilleuse. Ici on s’arrête pour observer un morceau de dallage qui recouvrait le passage des caravanes, là une niche qui devait servir de reposoir. Puis brusquement à l’issue d’un dernier étranglement, un éclair éblouissant traverse la roche. Au-delà apparaît une vaste place inondée de soleil et devant soi EL KHASNESH FIRAOUNN, le trésor des pharaons (dénomination donnée par les bédouins qui croyaient que les Egyptiens y avaient déposé un trésor dédié à la déesse Isis.), dont la délicate façade de grès pailleté de mica se colore selon les heures d’ambre ou de pourpre, d’orange ou de brun violet. Le Khanesh est « immense et brillant comme l’aurore entre les parois noires de la montagne » (J.M. LE CLEZIO)

« …Sur le flanc d’un pic faisait directement face au débouché de la vallée principale, un mausolée creusé dans la roche s’offre au regard. Sa situation et sa beauté ont été calculées pour produire une extraordinaire impression sur le voyageur qui aura emprunté pendant près d’une demi-heure le passage sombre et presque souterrain que j’ai décrit...)

Johann Ludwig BURCKHARDT (La découverte de Pétra, 28/8/1828)

«  Nous nous dirigeâmes de suite sur le ravin que l’on nomme siq… Nous entrâmes donc. Tout enchantait dans ce beau lieu. Nous passâmes les tombeaux, le théâtre et entrâmes dans le ravin qui est le plus étroit et des plus beaux. Quelle fût notre agréable surprise de voir la belle excavation nommée KHASNE EL PHARONI… »

                        Léon de LABORIE  (28/3/1828)

Quand on découvre le Khasnesh dans la fraîcheur et le silence de l’aube on a du mal à se rendre compte de l’effervescence qui régna jadis dans la cité. Dix mille habitants, la foule des marchands et des caravaniers, les troupeaux de chameaux, d’ânes, de mulets, les ballots, les paniers, les couffins, les jarres… Outre l’or pour les rois, l’encens pour les dieux, la myrrhe, les épices et les aromates pour embaumer les morts on y faisait commerce de cuivre, de fer, de bois de santal, de tissu de soie et de café d’Arabie.

Ensuite on erre dans un univers de falaises, un inconcevable chaos de montagnes escarpées constituées de couches accumulées et ondulantes diversement colorées. Sa chamarrure étincelante fait songer à l’œuvre de quelque peintre adepte du réalisme fantastique. Jaune safran, rouge sombre, rose pâle, blanc pur, brun chaud : le kaléidoscope fait tourner la tête. Dans ces falaises s’inscrivent des monuments qui reproduisent le « trésor ». Tous se ressemblent. Aucun n’est pareil à l’autre. Un mélange de classique antique et de baroque. C’est la couleur qui fait Pétra, plus encore que son architecture : rouge, pourpre, carmin, violet. Des demi-teintes : rose, orangé, jaune strié parfois de vert et de bleu. Des nuances toujours si intimement superposées, imbriquées que la roche semble une draperie que le vent fait flotter.

Ici rien n’est bâti, tout est creusé, évidé, ciselé dans le grès des falaises. Même les obélisques isolés, obtenues en creusant la montagne autour.

Autre surprise, Pétra est un fabuleux décor. Derrière les façades gigantesques, comme derrière les plus simples il n’y a rien. Seulement une pièce cubique, quelque fois deux, plutôt petites sans fioritures. Dans ces cellules les vivants vivaient avec les morts qu’ils enfouissaient sous terre.

Nous fêtons avec les vivants l’anniversaire de Martine dans un décor à la hauteur de l’événement et dans un écrin à la mesure de la personne honorée.

Après ces festivités nous commençons la longue montée vers le MONASTERE par un chemin escarpé creusé dans la roche. Au bout de la peine, la récompense : Le Monastère qui de jumeau du « trésor » en plus imposant et une vue époustouflante sur le WADI ARABA.

Au soleil couchant nous quittons Pétra, la fabuleuse cité rose comme un rêve de pierre, rose de sable aux pétales ciselés. La nature a fait ici un écrin à la mémoire des hommes et les temples-tombeaux renferment des morceaux d’éternité.

Afin de ne pas gâcher la poésie de cette journée je ne rappellerai que pour mémoire le gâteau et le « champagne » offerts par l’agence pour les anniversaires de Martine et Alain.

            Gîte du jour : PETRA HOTEL

J13 -  PETRA – AQABA                    13/11/97

Nous commençons notre journée à WADI EL BARED, la petite Pétra. Ce site servait de caravansérail aux riches marchands de Pétra. Le siq était fermé par une porte et cela en faisait un havre de repos et de sécurité. Les tombeaux sont moins travaillés et le site moins grandiose et moins fréquenté. Le tout y gagne en sérénité. A côté se trouve le village néolithique de BEIDHA (9000 av JC) ou du moins ce qui en reste. Les explications archéologiques de Wael sont malheureusement perturbées par un bouc survolté à cause d’une chevrette versatile. Pour une fois nos compagnes sont hors de cause !

Nous laissons Pétra derrière nous pour affronter le mythique WADI RUM. . Là nous attendent les bédouins avec des camionnettes 4x4 pour une promenade ( doux euphémisme) dans ce désert. A priori il n’y a pas de limite inférieure d’âge à la conduite de tels véhicules ce qui n’est pas sans inquiéter Yves – dit le cordeau –

Les pétarades de ces engins ne peuvent rien contre cette étrange alliance de la plénitude et du dépouillement, du trouble profond qui saisit l’âme dans ces immensités à l’ombre rare. Les falaises, les pics et les vallées du Wadi Rum ne doivent « leur sereine beauté » (T.E. Lawrence) qu’à la seule nature. Il résonne d’échos et semble marqué par  la présence du divin : grandeur et silence. Etranges formations rocheuses, tourmentées et grandioses qui dominent ce massif complexe : grès rouges, gris perle et opalins selon leur âge. Univers minéral : dômes, aiguilles, arêtes, tuyaux d’orgue calcaires. Et çà et là des inscriptions nabatéennes, des graffitis arabes ou des gravures rupestres bédouines..

Quand la pleine lune remplace le soleil, la dimension s’amplifie et l’on devient soi-même grain de sable dans cette immensité.

Malheureusement le silence propice aux grandes méditations est perturbé par les chants d’une colonie de vacance égarée sous une tente de bédouin et par des « you-yous » directement importés de « l’Islam à table » (restaurant changé en fumerie à Strasbourg). Nous y assistons à un remake du mariage de l’Ami Fritz à la sauce bédouine. La frêle Aïcha (Madeleine) et le grand Abdulhah (Michel) re-convolent en juste ( ???) noce avec tous les salamalecs d’usage.

Puis c’est la route vers AQABA. Celle-ci apparaît comme une véritable balafre noire et rectiligne ? Des deux côtés de ce fleuve d’asphalte le paysage est hallucinant : plateaux sous dômes pétrifiés, monticules pétrifiés, monticules qui naissent comme des stalagmites à jamais affamés de leurs complices d’en haut… Encore une dernière descente avant Aqaba où les camions citernes irakiens immolent leurs dernières plaquettes de frein. Et enfin après un dernier zigzag entre les monts désertiques se dresse un terril noir constellé de diamants : c’est Eilat !

Gîte du jour : HOLIDAY HOTEL

J14 - AQABA                             14/11/97

Encore un anniversaire aujourd’hui, ais il n’y aura pas de « pot » car ils ne sont pas gratuits dans ce pays et de plus, l’homme du jour – le roi Hussein- est absent.

Aujourd’hui quartier libre : débandade générale.

AQABA, Akabeh, jadis Eziagabe : c’est ici que vint débarquer la reine de Saba et que la flotte du roi Salomon fit voile pour la lointaine Ophir. Plus tard ce fut l’Adena des romains encore florissante il y a 2000 ans. Maintenant ce n’est même plus un port. Les bateaux en ont oublié le chemin et l’Islam y a jeté son grand sommeil. La mer toujours de son même bleu de prusse violent continue d’être la seule chose qui semble vraiment existante et réelle au milieu de ce pays rougeâtre et rose, comme saupoudrée de cendre.

Gîte du jour : HOLIDAY HOTEL

J15    -  AQABA – PARIS              15/11/97

Vol sans histoire sur une vraie compagnie d’aviation.

Pleurs et déchirements à Orly Sud où nous abandonnons Monique et Nathalie, Gwaen et Yves.

Déchirements et pleurs à Entzheim International Airport où nous nous arrachons les uns aux autres et inversement.

« Malheur à moi, car ne pouvais savoir quelle douleur me coûterait de ma séparer de ma dame. A peine eus-je quitté ma belle que seule la mort me paraît désirable …/… C’est pourquoi tout rayonnant de joie vole à travers la mer, mon chant, va saluer pour moi la fleur de Syrie. »

(Frédéric de HOHENSTAUFEN)

Certains voyagent en suivant la course folle des nuages ou en caressant de leurs rêves la panse d’un cargo en partance sur un bout de quai gluant et désert. D’autres encore préfèrent, à l’heure précise où psalmodient les muezzins, le silence tout bourdonnant d’échos de leur bibliothèque pour tirer sur le narguilé dans la Damas de Pierre Loti, en compagnie de bayadères aux ventres nus…

Ceux-ci, on l’aura compris voyagent par procuration… Mais il y a ceux d’ETAPP pour qui l’évasion ne se conçoit pas sans aller sur le terrain. Ceux qui ont besoin de voir de leurs propres yeux, de toucher, de flairer, de humer, de recevoir le grand frisson, la grande secousse ou la claque de la réalité.

Il n’existe pas de plus belle confrontation avec soi-même que de tenter un instant d’oublier ses propres repères, ses symboles, ses préjugés et d’accepter la limite de sa propre culture.

Nous avons rencontré des peuples qui jaillissent de leur sol comme des plantes drues, hautes sur leurs profondes racines, plantes vivaces, têtues à se frayer un chemin dans un terrain aride et difficile, habiles à s’adapter aux inconstances du sort, souples sous les orages, résistants sous les intempéries, exubérants dans l’enchevêtrement complexe de leurs rameaux multiples, intenses par la couleur dont elles se parent – fleur de Syrie ou de Jordanie – si délicates ou si foncièrement rustiques. C’est à ces régions que nous devons l’alphabet, la culture des céréales, le premier foyer et la première maison en plein air.

A présent une nouvelle tribu de nomades envahit cette terre : celle des touristes. Les antennes paraboliques hérissent à présent jusqu’au plus petit village bédouin. Combien de temps ces pays respireront-ils encore au rythme des souffleurs de verre et des fumeurs de narguilé ? 

Ici il faut prendre le temps de s’arrêter pour mieux écouter selon le mot du poète AHMED CHAW : « …la rumeur qui mène au fond de la mémoire… »

Le dépaysement est au coin de la rue, de la piste, de la route… Dépaysement de bain de foule dans les souks d’Alep ou  de Damas, ces labyrinthes grouillants de piétons et de voitures, demeures de milliers d’artisans habiles, dont l’activité se perpétue presque inchangée depuis des siècles, enchâssée dans des cités vouées au modernisme. Dépaysement par la gentillesse des gens qui offrent une figue, une poignée de dattes, au coin de la rue, la spontanéité de l’étudiant qui se déroute pour remettre le visiteur dans le bon chemin, le sourire du serveur d’un thé à dix sous qui dépose une fleur à côté du verre. Dépaysement ces musées et ces monuments remarquables où sont révélés les fabuleux témoignages des civilisations oubliées. 

Maintenant il ne reste plus qu’à remercier Gérard et Nathalie pour la préparation de ce beau périple et vous tous pour votre présence et votre patience.

A bientôt sur d’autres lignes…

            Bises aux Dames et saluts aux autres.

                                    Maurice