Compte-rendu Equateur
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Equateur – Galapagos 1993                            

"Qui n'aime pas les nuages,

Qu'il n'aille pas à l'Equateur,

Ce sont les chiens fidèles de la montagne..."

Henri MICHAUX, Ecuador

Nouveau voyage, nouvelle option.

Cette fois la priorité est donnée à la nature

 la "Terre-mère" chère aux indiens.

« Invoquant ton nom

Je m'avance vers toi Terre-Mère

Les genoux sanglants,

J'arrive à toi Terre-Mère

Répandant des fleurs,

Je m'incline devant toi Terre-Mère ..."

(Prière indienne)

Destination Equateur, si injustement délaissé et qui offre bien plus qu'une ligne à franchir. Pays où l'on découvre avec bonheur que dans l'ombre d'un froid calcul mathématique se cachent des facéties naturelles extraordinaires : 

l'allée royale des plus hautes bouches à feu du monde et le bestiaire préhistorique des Îles Galapagos. Panache des sommets sublimes, moiteurs amazoniennes et plages...

Pays de paradoxes à commencer par son nom qui évoque irrésistiblement l'Afrique et les chaleurs tropicales alors que c'est le royaume de l'éternel printemps et des nuances les plus variées.

J1    29/10/93 - STRASBOURG/RENNES/NANTES -PARIS -QUITO

Une fois la jonction faite en zone 3 à Orly Sud nous sommes une petite quinzaine, 3 "Bretons" et 13 "Alsaciens" à prendre le vol. Et déjà les premiers problèmes se présentent: comment remplir une carte verte avec des questions aussi sournoises telles que : nom ? prénom ? adresse ?..

Mais tout s'arrange à bord puisque l'hôtesse nous rassure de suite en nous annonçant "N'inquiétez pas il y a un pilote dans l'avion I Il Malheureusement il y a aussi une native de Weyersheim se rendant aux Bahamas pour se remettre d'agressions sexuelles dont elle fait la démonstration sur Michel. Grâce au psychiatre de service avec son oeil de Hong Kong tout rentre dans l'ordre et le vol se termine sans incident. A l'arrivée notre hôtesse, toujours aussi rassurante nous annonce qu'elle "avait eu grand plaisir à nous survivre. «  Nous aussi ! »

A l'aéroport de Quito premiers contacts avec Renato notre guide, et Annibal notre chauffeur.

Gîte du jour : Hôtel Alameda

J2     30/10/93 - QUITO -SALCEDO

Nous quittons Quito sans la voir. Ici le globe terrestre s'est hissé à 2860 m, non point une montagne mais une vallée tenue par des volcans culminant entre 4500 et 6000 m (pour les détails voir Michel le vulcanologue du groupe). Les rondeurs et les éperons des cratères andins sont drapés d'éternels nuages qui accentuent leur caractère magique et leur rôle de divinité tutélaire. Leurs danses autour de ces sommets fait penser à un opéra colossal et paisible.

Si nous ne visitons pas Quito c'est pour nous rendre au plus vite à Otavalo car le samedi c'est jour de marché là-bas. Pour nous y rendre nous prenons la route du Canyon de Guavalambamba, passons la ligne de l'équateur et apercevons le volcan Imbabura pointant son gigantesque capuchon de neige entortillé de brumes.

Dès l'arrivée à Otavalo nous nous rendons compte que le samedi est le moment culminant de la semaine car tous les Indiens du pays semblent avoir abandonné leur tranquille routine industrieuse pour se rendre ici pour acheter ou vendre ou rencontrer des amis pour échanger des nouvelles. L'atmosphère est gaie et sereine. La Plaza del Centenario est devenue pour un jour la Plaza de los Ponchos. Les quelques rayons de soleil font ressortir les rouges, les bleus et le gris des pulls, ponchos et couvertures offerts à la convoitise des acheteurs éventuels.

Les femmes avec leurs corsages blancs brodés, leurs châles de laine noués sur la poitrine, leurs jupes courtes -bleu nuit ou rouge -retenues par des ceintures tissées et leurs chapeaux vissés sur la tête sont assises à croupetons derrière ce qu'elles ont arraché à leurs champs : Oignons, pommes de terre, maïs, haricots, ...  Malgré leur peu d'élégance naturelle elles sont coquettes avec leurs colliers dorés de pacotille sur plusieurs rangs qui brillent à leur cou et leurs bracelets de corail aux poignets.

Les hommes laissent échapper une natte d'encre de leur chapeau de feutre, signe de reconnaissance sur leurs ponchos bleu foncé. Leur toilette se complète par une chemise de coton, un pantalon s'arrêtant aux mollets et une paire d'espadrilles.

Dans l'ensemble les Otavalo ne manifestent ni sur leurs visages ni par leurs gestes aucune joie. Comme le disait le Marquis de Wavrin " seuls savent rire les Indiens qui n'ont pas connu l'oppression du blanc ".

Inutile de dire qu'à la fin de cette première visite une grosse partie de notre réserve de sucre (monnaie locale qui porte le nom du "zéro" local et non celui d'un dérivé de betteraves) avait fondu et le volume des bagages fortement augmenté.

Puis... " c'était la ruée par les collines et tout à coup apparaissait le lac" (Pablo Neruda). En l'occurrence le lac de San Pablo : plan d'eau sombre couleur d'anguille, écrasé par l'lmbabura qui part de son rivage et ne lui laisse que la mesure de son ombre.

Repas de midi au bord de l'eau à Los Cabanos de Lacca (en gros l'auberge du lac pour les francophones).

Etape suivante Cotacachi réputé pour ses cuirs. "Mary-Jane" se met à la recherche de dessous en peau de bêtes en vue de ... (mais sait-on à quoi rêvent les jeunes filles ?). C'est aussi l'occasion d'assister à une course de caisses à savon dans les rues du village.

Puis nouveau périple vers l'avenue des Volcans jusqu'à Salcedo.

Gîte du jour : Rumipamba Los Rosas.

Exceptionnellement il sera fait ici un commentaire sur l'hébergement car l'endroit semble sorti de l'imaginaire d'un croisement entre le facteur Cheval et Yvette Horner en pleine crise de paranoïa. Indescriptible  !!!

J3      31/10/93   -   SALCEDO - CUENCA

Avant de reprendre la route de la Sierra vers Quito deux mots sur nos accompagnateurs. D'abord Renato qui plus qu'à un guide ressemble à un chaton abandonné par sa mère au milieu d'une bande de chats de gouttières. Mais il a pour lui une "délicieuse" connaissance de notre langue et de son sujet, mais surtout l'amour de son pays. Quant à Annibal, il est un chauffeur placide et heureux que même le bruit de son bus n'empêche pas de dormir.

L'avenue des Volcans traverse des paysages désertiques, des champs qui dégringolent des versants abrupts, des vallées noires, des précipices. Le nord équatorien est sauvagement beau mais si rude que les hommes le déserte. C'est ici que survit le peuple Otavalo accroché à ses origines incas et à cette terre qui a vu naître ses ancêtres. Les villages semblent perdus au bout de chemins escaladant les roches ou filant à travers de vastes solitudes. Leurs maisons se fondent dans un horizon de nuages.

En court de route nous allons au marché de Pujili plus haut en couleurs que celui d'Otavalo. Dernier arrêt à Latacunga pour visiter la cathédrale qui est une "édification très romanique", puis c'est l'aéroport de Quito pour un vol vers Cuenca où nous sommes attendus par une foule en délire agitant des drapeaux. Philippe en profite pour faire un tour d’honneur.

Gîte du jour : Hôtel Crespo.

J4      01/11/93 - CUENCA 

C'est la troisième ville par la population mais la plus belle pour les Equatoriens. De son passé colonial elle a gardé de jolies maisons à balcon de bois, des ruelles pavées et une extraordinaire cathédrale baroque rose.

Cuenca est parfumée par le marché aux fleurs quotidien du couvent El Camor. Elle est chaude par son soleil et le rouge de ses toits de tuiles romaines. Elle est vivante grâce à un artisanat foisonnant: orfèvrerie, vannerie. cuirs. broderies et surtout les fabriques de panamas. Bien sûr nous visitons un atelier et surtout un magasin où ces couvre-chefs réputés sont confectionnés et vendus. 

Depuis toujours ils sont tissés serré dans la paille -pava toquilla - pour protéger la tête des ouvriers qui creusaient le canal de ... Panama.

Autour de Cuenca on est loin des Andes, les collines se font douces et la ville est pelotonnée au fond d'une vallée sur les rives de deux fleuves. Du haut de la colline El Turi on a une vue générale de la capitale de sud. Sur ce sommet " Jack-line" a cette phrase définitive: "il suffit de monter quelques marches pour être un peu plus haut, surtout quand on est petite." Autres curiosités à Cuenca : l'église des Dominicains, l'église et la place San Francisco.

Gîte du jour: Hôtel Crespo.

J5     02/11/93 - CUENCA - GUAYAQUIL

Nous reprenons la route au petit matin sur les routes de montagne à travers les nuages et un véritable « patchwork » de bruns et de verts élaborés par la ténacité des agriculteurs de la Sierra. Nous croisons quelques lamas qui nous regardent passer avec un air dédaigneux. Nous nous arrêtons à Ingapirca (" murs des Incas" en langue quechua). 

Il s'agit de plus important vestige inca du pays. Il se dresse isolé dans l'altitude des Andes et ces quelques murs rendent un hommage silencieux à ces maîtres de la construction en pierre qui n'utilisaient pas de mortier. Quelques enfants Canaris courent sur les degrés du temple. Ils montent et descendent comme un vol d'oiseaux dans le ciel, se regroupent, se séparent, toujours en mouvement. Le rythme vif de leur course contraste avec l'immobilité des pierres anciennes.

C'est la fête des morts et tout au long de la route, bravant le vent et la pluie, toute la population venant de partout, en famille, se rend aux cimetières pour passer la journée avec ses défunts. C'est dans ce décor un peu surréaliste que nous pique-niquons. Il faut être fou ou touriste pour faire cela dans de telles conditions !

Enfin nous abordons la Costa d’Abondance. Peu de spectacles aussi impressionnants que le passage entre Sierra et Costa. Jungles d’arbres gigantesques qui s’accrochent obstinément à la rocaille et transgressent la loi de la gravité, rivalisant avec les mousses, le lierre et les lianes en un concours d’équilibre dans le grand cirque de la nature. Puis on entre dans une immense hacienda bananière quelque peu bouleversée par le pétrole, première richesse du pays, pour finalement arriver à Guayaquil.  

Guayaquil est la rivale de Quito, la cosmopolite, l'affairiste, la bruyante et la tropicale se nichant au fond de l'estuaire de Guayas et protégée par l'île de Puna et une immense statue du Christ. Ville sans âme ne possédant que deux attractions touristiques : le grand cimetière dont les innombrables et immenses tombes blanches lui ont valu le surnom de "ville blanche" et une cathédrale dont le choeur trempe les pieds dans la piscine tropicale du Grand Hôtel (où nous résidons).

Guayaquil serait aussi un coupe-gorge d'après Renato. Nous restons donc reclus dans notre prison dorée à prendre des cours d'accouchement en piscine sous la direction de Betty. Dans la moiteur de cette première nuit tropicale nous découvrons la troisième attraction de la "Perle du Pacifique" : un trio de musiciens- chanteurs aux timbres brûlants et à l’œil de velours. Après plusieurs roucoulades, oeillades et autres spécialités sud-américaines, Dominique fait la rencontre de Jésus. A l'instar de Claudel qui le rencontrait derrière un pilier de Notre-Dame un soir de Noël, elle le découvrit derrière une guitare au Grand Hôtel de Guayaquil. Après il est question de "compromissione", de "passionne", etc... Quant à la suite, cela ne nous regarde pas ...

J6    03/11/93 - GUAYAQUIL -SAN CRISTOBAL - MS GALAPAGOS EXPLORER

Le matin nous faisons enfin un petit tour dans la ville -en rangs serrés- pour voir la cathédrale et le parc municipal, tous deux fermés par de fortes grilles ( voleurs obligent I ). Après nous quittons Jésus et Guayaquil pour nous rendre vers la terre promise : les Galapagos. Nous nageons en plein mysticisme !

Dans le port de San Cristobal nous attendent dans l'ordre: des otaries, des frégates, des martins-pêcheurs et Gaston, le capitaine du "M.S. Galapagos - Explorer". Nous devons nous adapter très vite à bord et à la démarche chaloupée. Si Betty est à l'aise dans une piscine elle ne l'est pas du tout sur un navire. L'ancre n'est pas encore levée et déjà le secours en mer doit intervenir pour sauver la casquette du président (et pourtant Jean-Pierre est absent !). Après un tour autour du rocher du "lion endormi" première nuit à bord.

  Enfin les Galapagos !

  "Imaginez un territoire d'amas de pierre éparpillées çà et là dans un terrain vague. Imaginez que certains de ces tas ont la dimension d’une montagne. Partout ailleurs c'est la mer." (Hermann Melville).

  « C'est le jardin de l’enfer » (Charles Darwin).  

J7      04/11/93 - LES GALAPAGOS

Après cette première nuit à bord il y a enfin tout le monde est sur le pont pour le premier débarquement. A ce propos notre guide Billy nous apprend que si les pinsons de Darwin sont au nombre de 13, les débarquements sont au nombre de 2 : les secs et les mouillés. A noter que les seconds se reproduisent mieux que les premiers. « C'est la nature! ».

Notre premier débarquement -mouillé – dans le plus étrange pays du monde -paysages de lave et de cactus, a bien sûr lieu sur l’île Espagnola, dans la  baie de Gardon. Première rencontre avec les otaries sur la plage avec leur corps alangui de sirène, leurs fières moustaches, leurs yeux cajoleurs et leur petit museau rieur. Malheureusement le mâle veille sur son harem qu'il sermonne ( quel homme! ). Cris qui ne sont pas sans rappeler la toux rauque d’un bronchiteux sorti par inadvertance d'un hôpital départemental. Nous avons la chance de tomber sur la mise bas pour laquelle la seule assistance était une buse chargée de récupérer le placenta. Toujours la nature !

Autres rencontres: les lézards des Laves dont la femelle se reconnaît à son cou rouge, les mouettes à queue d'aronde et à l’œil rouge pétillant de malice. la délicieuse fauvette jaune, l'indiscret et peu farouche merle moqueur et le photogénique crabe écarlate qui cache son ventre bleu. Et au large un fou passe et un autre plonge.

Après le repas à bord, nouvelle sortie mouillée à Punta Suarez où nous accueillent comme il se doit les otaries. Ici nous allons à la rencontre des fous qui comme les débarquements sont de deux sortes : les masqués et les pattes bleues. 

La légende dit qu'il yen avait une troisième: les pattes rouges. Nous n’en verrons pas (Ils étaient de sortie avec les iguanes terrestres et les manchots). Par contre nous  dérangeons les albatros dans leur parade nuptiale et un héron se régalant d’un crabe écarlate. Et enfin nous tombons sur une colonie d'iguanes marins que Darwin qualifiait « d’hideux monstres noirâtres ». En fait, ils n'ont que le déguisement d’un monstre et ils mangent paisiblement les algues et les varechs en inclinant la  tête sur le côté, ce qui leur donne un petit air attendrissant. Ils dorment si tendrement empilés sur les rochers que ce tableau dégage une impression de paix et d'éternité. On a l'impression d'assister à une scène qui dure depuis des millions d'années. Même les plantes sont d'un autre monde, ainsi les scalésias, cousine locale de la pâquerette, atteignent ici la taille de 3 à 6 m.  

Après un tour au "trou du souffleur" qui n'a rien d'égrillard mais qui est une curiosité naturelle (vagues qui se fracassent contre un rocher percé pour en jaillir en gerbe d'embruns) la patrouille des "FLAMINGOS" (traduction locale d'ETAPP Médecine) retourne pour une seconde nuit à bord où sévit un guitariste dont l'instrument joue tout seul au désespoir de Dominique.  

 

J8         05/11/93  -  LES GALAPAGOS

Matinée sur Floreana avec les incontournables otaries mais surtout une végétation luxuriante: palétuviers, scalésias, fruits de la passion, micronias, ...

Dans la lagune derrière un rideau de palétuviers nous découvrons les flamants roses dressés sur leurs tiges graciles. Puis nous nous dirigeons à pied vers la plage "farine" (sable fin et blanc d'où ce nom) pour voir s'ébattre au large les tortues de mer et entr'apercevoir des raies.

Repas à bord.

Durant la sieste une frégate qui ne manque pas d'air, se gonfle d'orgueil et se pare d'une belle poche rouge qu'il frappe de son bec pour séduire les belles au sommet du mât.

 

L'après-midi enfin un débarquement sec à Puerto Ayora pour visiter la station Darwin et son élevage de tortues terrestres. En cours de chemin nous avons l'opportunité" de voir des cactus candélabres et raquettes et de nombreux pinsons. Puis nous découvrons enfin les tortues géantes qui ont donné leur nom à ce royaume naturel si enchanteur que les premiers marins l'avaient baptisée, eux, Los Encataras (les Îles enchantées). Elles semblent bouder quand on les dérange, poussent de gros soupirs comme une baudruche qui se dégonfle et grognons, rétractent leur carapace, ou se déplacent avec leur démarche paisible et nonchalante, yeux langoureux et airs de vierge effarouchée.

Autre particularité de ce port : le prix des livres y est inversement proportionnel à la distance qui vous sépare de votre bateau. Nouvelle nuit à bord.

J9             06/11/93  - GALAPAGOS -QUITO

Avant de quitter l'archipel Colon (tel est le nom que lui donne l'administration équatorienne) nous repartons pour un tour autour du "lion endormi" (ils ont du l'endormir pour occuper les touristes !) puis dernier débarquement sec à San Cristobal.

Puis vol vers Quito via Guayaquil. Certains profitent de l'escale pour revisiter l'aéroport !! Sans doute" Jack-line" avait-elle un dernier achat à faire ?

Arrivée à Quito où Annibal est seul à nous attendre Renato ayant eu un accident. Mais tout rentre dans l'ordre et nous faisons une trop rapide visite du vieux Quito de nuit. La lumière remplace les bruits et la ville brille de tous les ors de ses églises baroques au pied de la vierge de Panecilio qui embrasse le panorama perchée sur une colline en surplomb.

Dès les premiers pas nous sommes submergés par une profusion d'églises, de chapelles et de couvents, dorés, tourmentés et surchargés de fines sculptures ce qui a valu à la cité le nom de "forteresse spirituelle" des Andes. L'enchantement commence sous les arcades de la Plaza de la Independencia qui étale parterres fleuris et cascades de fontaines autour de la cathédrale où repose Antonio Jose de Sucre le libérateur et le "zéro" de l'Equateur, du palais gouvernemental et du palais épiscopal. A deux pas la Compagnia, l'ancienne église des Jésuites (chers à Phillipe), qui fait partie aujourd'hui des plus belles églises d'Amérique Latine. La richesse de sa façade sollicite le regard et l'intérieur l'époustoufle. L'or... l'El Dorado est ici dans un déferlement d'autels, de colonnes, de retables et de portes enluminées à l'or fin. On comprend mieux Alexandre Humbolt quand il dit que "les Indiens sont un peuple étrange qui vit dans la pauvreté sur des montagnes d'or."

  Plaza San Francisco nous visitons le monastère qui dresse deux tours élégantes entre les balcons des maisons coloniales aux murs d'un blanc éclatant, aux tuiles vertes et volets bleus profond. A l'intérieur on retrouve des motifs baroques aux murs et aux plafonds ainsi que des statues hyperréalistes de saints.

  Gîte du jour: Hôtel Almeda Real

J10       07/11/93 I - QUITO -AHUANO

Le matin nous prenons la route pour traverser la Sierra et nous rendre vers l'Oriente et sa forêt amazonienne. Sur notre chemin nous regardons une fois encore le Cotopaxi qui dresse sa cime enneigée à plus de 6000 m. Un immense patchwork de champs revêt partout le flanc de la montagne aussi haut que le permet l'altitude. Sur la pente balayée par les nuages et les vents un fermier pousse devant lui un araire de bois tiré par une paire de bœufs, sa femme le suit partout une houe et un bébé dans le dos. Difficile combat pour l'existence à 3500 m d'altitude. De temps à autre un cavalier là-haut près d'une minuscule vallée-oasis, une bergère filant sa quenouille, des précipices à couper le souffle, des montagnes, des montagnes et encore des montagnes jusqu'au bout de l'horizon comme si le Créateur n'avait de cesse d'avoir ici jeté, accumulé, entassé, entaillé, plié et torturé toutes les roches de la création.

  L'Indien semble vivre ici en parfaite harmonie avec le milieu ambiant. Tout pour lui semble être motif de respect et d'admiration. le soleil qui brille et poursuit inlassablement sa route, l’eau qui descend de la montagne qui irrigue ses champs de cultures et surtout la terra à laquelle par des liens indéfectibles.

« Peuple étrange qui s’endort tranquille au pied des volcans et s’amuse avec des musiques tristes » (Alexandre Humboldt)

Après un pique-nique mouillé nous reprenons la piste (nous avons quitté l'asphalte depuis longtemps) pour arriver à Puerto Misahualli au bord du Rio Napo où nous attendent des militaires tatillons et les pirogues pour nous rendre à la Casa del Suizo à Ahuano.

  Premiers contacts avec la végétation luxuriante de l'Amazonie : cacaotiers, caféiers, fromagers, balistiers, hibiscus, ... Chaleur touffue, vent à l'infini, pluies, pirogues sur la rivière, arbres étranges. ..

  Difficile de faire la part du rêve dans un univers qui se complaît à la confusion des genres, mélangeant minéral, végétal et animal comme il mélange l'air et l'eau, l'ombre et la lumière. Une feuille devient papillon, une liane se fait serpent. un serpent est une liane...

  " Le jour il y a l'homme et la forêt, la nuit l'homme est forêt " (Proverbe Shuars) .

  Grâce à l'intimité de notre gîte nous nous rendons compte que la forêt babille ou ronfle la nuit (Yves B et Michel peuvent le confirmer).

L11         08/11/93  -  AMAZONIE

  Premier lever du soleil ( ???) sur l'Amazonie. Pas une voix. Pas un cri. L'eau s'écoule. La forêt  toute proche miroite dans le Rio Napo. Le ciel gris, gonflé d'eau, une cime lointaine qui remue, une feuille qui tremble, tout est énigmatique.

Sortie d’une journée dans la forêt sous la conduite du « natif » armé d’une machette, engin servant tour à tour à couper les plantes, peler les oranges, décapsuler les bouteilles. Nous plongeons dans un enchevêtrement d’arbres étranges, des fleurs inconnues, de plantes médicinales, véritable océan végétal ténébreux.

  Notre guide nous apprend à reconnaître les orties anti-rhumatismales, les baies hallucinogènes, le lait anti-bouton, les bois "anti-défaillance", les fruits comestibles. Nous voyons l'hévéa d'où une seule incision fait couler "une liqueur blanche comme du lait qui se durcit et se noircit peu à peu à l'air. Les Indiens nomment la résine qu'ils en tirent cahutchu, ce qui se prononce caoutchouc et signifie l'arbre qui pleure." (De la Condamine).

  Dans cette forêt on retrouve une certaine idée du commencement du monde. Souvent impénétrable elle impose des trajets difficiles et des petites misères (boue, chaleur, humidité, insectes...) que le panorama grandiose fait oublier très vite. Elle est immense et très mouvementée, haute et tragique, riche en morts et vivants. Cette forêt n'enterre pas ses cadavres. Quand un arbre meurt et tombe, ils sont tous tout autour serrés et denses pour le soutenir et le soutiennent jour et nuit. Les morts s'appuient ainsi jusqu'à ce qu'ils soient pourris. Alors il suffit d'un oiseau qui se pose et ils tombent avec un immense fracas, comme s'ils tenaient encore follement à la vie.

Les arbres ici ne craignent pas d'adopter une grande famille. Ils portent sur eux des orchidées, des lianes qui les embrassent à la vie à la mort.

Il y a aussi le Matapolo (tueur d'arbres) qui se présente comme un roi avec une couronne à 3 ou 5 branches. C'est le grand boa, le grand étouffeur, le grand étrangleur des autres arbres: Jeune il s'adosse contre un arbre, croît, grandit, l'entoure puis l'enserre, l'étrangle le broie et le tue. Ses branches ont de loin la douceur du velours des chenilles et l'apparence sage et réfléchie que donne les barbes ( n'est-ce pas Yves B. ? ) .

Comme dans la chanson nous marchons dans la boue avec des démarches plus ou moins gracieuses allant des dérapages non contrôlés à la danse du cygne pour les plus agiles. Dur, dur, mais c'est la nature !

Pique-nique sur une plage au bord des eaux tumultueuses du Rio Napo. Puis visite d'un village indigène et d'une école dont la fonction principale semble être le séchage des grains de café car ici aussi les enseignants font grève. Nous dégustons une Chicha (boisson à base de manioc pilé) que nous prépare une accorte native.

  Autre temps fort: un cours de tir à la sarbacane sur un toucan en bois. Les meilleurs à cet exercice sont sans conteste Nathalie et Gérard (la première lui casse les pieds alors que le second lui cloue le bec). Cet exercice se continue le soir au bar du village.

J12           09/11/93   -   AHUANO - BANOS

Nous quittons la Casa del Suizo, dernier tour en pirogue afin de rejoindre Annibal et notre bus à Puerto Misahualli. Aux détours du Rio Napo nous croisons quelques orpailleurs en quête de fortune puis nous prenons la route de Banàs qui longe Rio Pastaza - rivière chocolat qui consomme beaucoup de terre en passant. Le parcours est agrémenté par des cascades et des orchidées ce qui oblige à de fréquents arrêts. On peut comprendre l'effet diurétique d'une chute d'eau, celui des orchidées reste un mystère pharmacologique à élucider avec Dominique et Anne-Cécile. Repas de midi à Puyo puis traversée du Canyon de Saint-Martin et enfin arrivée à Banos.  

Il s'agit d'une petite bourgade qui est la porte de l'Oriente mais aussi une station thermale. Singularités touristiques : une tour d'horloge et surtout l'église de la Vierge des Eaux qui à elle seule concentre tous les éléments de la dévotion et de la naïveté du peuple équatorien. On y trouve pêle-mêle : des tableaux décrivant les miracles de la Vierge de Santa Agua avec un réalisme béat, des statues de saints d'une naïveté déroutante (ex: un saint Vincent en plâtre avec une trompette en alu !), des ex-voto, des mèches de cheveux et des photos de fidèles, des béquilles et des plâtres devenus inutiles.

Dans les rues on peut voir des artisans faire une pâte collante à base de canne à sucre qu'ils battent et étirent : la Melocha. Et bien sûr des boutiques...

Gîte du jour : Cabanas Bascun

Cet endroit semble mal famé. Certains d'entre nous ont cru voir Monsieur Ramirez - honnête commerçant colombien - accompagné de sa dame et de quelques jeunes gens de fort gabarit et aux poches renflées. Grâce au sang-froid de Philippe et des 2 Yves nous évitons un bain de sang (le rhum local y est aussi pour un peu !).

J13            10/11/93   -  BANOS - GUAYAQUIL

Sur la route, à travers le Paramo dont le paysage désolé est adouci par des nappes de brouillard effilochées par le vent, surgit de temps à autre un indien, son poncho rouge poussiéreux faseyant au vent.

 

Nous traversons à fond de train Riobamba car nous devons nous rendre à Alausi pour prendre l'autoferro qui lui n'attend pas... pour la bonne raison qu'il n'arrive jamais.  

Après trois heures d'attente au soleil Après trois heures d'attente au soleil, nous reprenons notre bon vieux bus. Encore un pique-nique mouillé avant d'aborder la Costa puis Guayaquil, ses voleurs, son Grand Hôtel et.. Jésus. A l'arrivée manquent les valises d'Anne-Cécile et de Dominique ce qui épuise définitivement les surrénales du pauvre Renato déjà si malmenées. Mais cet incident rentre dans "ordre et n'empêche pas ces jeunes femmes d'être très élégantes ("les femmes le sont toujours !") au dîner d'adieu fort émouvant par ailleurs.

Cette surcharge émotionnelle étant due pour une forte part aux trémolos mouillés de Jésus et de ses acolytes. Après un dernier pot en commun nous nous éclipsons pour laisser Cathy, Anne-Cécile et Dominique seules avec le trio de charme. Et ce qui se passe après ne nous regarde toujours pas !!1  

J14            11/11/93 -

  Nous voici donc à la fin d'un nouveau voyage. Qu'en restera-t-il ? A chacun de faire son tri.

  Pour moi il restera le changement perpétuel de la nature, l'incroyable puzzle de paysages et de peuples imbriqués les uns dans les autres au gré des microclimats et des migrations. Mais surtout ce ciel dont les nuages gobent l'horizon presque entier et ne reculent devant aucune forme, indifférents aux vents, comme à l'ancre puis disparaissent tout d'un coup pour laisser un ciel d'étoiles, très pur, tellement plus immense que la terre. Ici l'étoile n'éclaire pas mais à chaque oeil tourné vers elle, elle envoie un rayon.

Le voyage en Equateur est un constant aller-retour entre euphorie et désespoir, ombres et lumières, paix et fracas.

"Après tout la meilleure manière de voyager est de sentir

Tout sentir de toutes les manières.

Sentir tout excessivement

Parce que toutes les choses sont en vérité excessives

Et toute la réalité est un excès. une violence

Que nous vivons tous en commun..." (F. Pessoa)

Au chapitre des remerciements une fois encore merci à Gérard pour la mise au point et le déroulement de ce périple, merci à Nathalie pour son regard attentif, à Mary-Jane pour son rire communicatif, à Betty pour son mal de mer stoïque, à Chantal pour son positivisme souriant, à Dominique pour son apport musical, à Anne- Cécile pour ses cavalcades photographiques, à Cathy pour son tabagisme discret, à Isabelle pour son assistance sanitaire, à Zimmermann pour m'avoir emmené une fois de plus et pour son humeur Zhumirienne (Zhumir = sirop calmant local), à Yves le petit pour son imitation de l'otarie mâle, à Yves le grand pour sa sensibilité bretonne, à Phillipe pour le retour des Jésuites, à Michel pour son "Moscontin" joyeux.

Pour finir (enfin !) il me vient en mémoire ce passage de l'Ancien Testament

Tout commença par un voyage

Quatre maîtres pénétrèrent dans un jardin

Le premier mourut

Le deuxième devint fou

Le troisième devint autre

Le quatrième entra et sortit indemne. "

                                      Comment en êtes-vous sortis ?

                        Maurice.

P.S. le thème musical du voyage était "Guantalamera" (pour ceux à qui cela aurait échappé !)  

« Avec un enthousiasme qui surmontait tous les obstacles,

ils escaladèrent les Andes,

ils descendirent les sombres rivières mystérieuses,

ils traversèrent les déserts et, à force de lutte,

se frayèrent un chemin

au travers des enchevêtrements de ces forêts

toutes étoilées d'insectes phosphorescents... »

                                Victor Wolfgang Von Hagen

 

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