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Equateur –
Galapagos 1993
"Qui n'aime pas les nuages, Qu'il n'aille pas à l'Equateur, Ce sont les chiens fidèles de la montagne..." Henri MICHAUX, Ecuador Nouveau voyage, nouvelle option. Cette fois la priorité est donnée à la nature la "Terre-mère" chère aux indiens. « Invoquant ton nom Je m'avance vers toi Terre-Mère Les genoux sanglants, J'arrive à toi Terre-Mère Répandant des fleurs, Je m'incline devant toi Terre-Mère ..." (Prière indienne) Destination Equateur, si injustement délaissé et qui offre bien plus qu'une ligne à franchir. Pays où l'on découvre avec bonheur que dans l'ombre d'un froid calcul mathématique se cachent des facéties naturelles extraordinaires : l'allée royale des plus hautes bouches à feu du
monde et le bestiaire préhistorique des Îles Galapagos. Panache des sommets
sublimes, moiteurs amazoniennes et plages... Pays de paradoxes à commencer par son nom qui évoque
irrésistiblement l'Afrique et les chaleurs tropicales alors que c'est le
royaume de l'éternel printemps et des nuances les plus variées. J1 29/10/93 Une fois la jonction faite en zone 3 à Orly Sud
nous sommes une petite quinzaine, 3 "Bretons" et 13
"Alsaciens" à prendre le vol. Et déjà les premiers problèmes se présentent:
comment remplir une carte verte avec des questions aussi
sournoises telles que : nom ? prénom ? adresse ?.. Mais tout s'arrange à bord puisque l'hôtesse nous
rassure de suite en nous annonçant "N'inquiétez pas il y a un pilote dans
l'avion I Il Malheureusement il y a aussi une native de Weyersheim se rendant
aux Bahamas pour se remettre d'agressions sexuelles dont elle fait la démonstration
sur Michel. Grâce au psychiatre de service avec son oeil de Hong Kong tout
rentre dans l'ordre et le vol se termine sans incident. A l'arrivée notre hôtesse,
toujours aussi rassurante nous annonce qu'elle "avait eu grand plaisir à
nous survivre. « Nous aussi ! » A l'aéroport de Quito premiers contacts avec Renato
notre guide, et Annibal notre chauffeur. Gîte du jour : Hôtel Alameda J2
30/10/93
- QUITO -SALCEDO Nous quittons Quito sans la voir. Ici le globe
terrestre s'est hissé à 2860 m, non point une montagne mais une vallée tenue
par des volcans culminant entre 4500 et 6000 m (pour les détails voir Michel le
vulcanologue du groupe). Les rondeurs et les éperons des cratères andins sont
drapés d'éternels nuages qui accentuent leur caractère magique et leur rôle
de divinité tutélaire. Leurs danses autour de ces sommets fait penser à un opéra
colossal et paisible. Si nous ne visitons pas Quito c'est pour nous rendre
au plus vite à Otavalo car le samedi c'est jour de marché là-bas. Dès l'arrivée à Otavalo nous nous rendons compte
que le samedi est le moment culminant de la semaine car tous les Indiens du pays
semblent avoir abandonné leur tranquille routine industrieuse pour se rendre
ici pour acheter ou vendre ou rencontrer des amis pour échanger des nouvelles.
L'atmosphère est gaie et sereine. La Plaza del Centenario est devenue pour un
jour la Plaza de los Ponchos. Les quelques rayons de soleil font ressortir les
rouges, les bleus et le gris des pulls, ponchos et couvertures offerts à la
convoitise des acheteurs éventuels. Les femmes avec leurs corsages blancs brodés, leurs
châles de laine noués sur la poitrine, leurs jupes courtes -bleu nuit ou rouge
-retenues par des ceintures tissées et leurs chapeaux vissés sur la tête sont
assises à croupetons derrière ce qu'elles ont arraché à leurs champs :
Oignons, pommes de terre, maïs, haricots, ...
Malgré leur peu d'élégance naturelle elles sont coquettes avec leurs
colliers dorés de pacotille sur plusieurs rangs qui brillent à leur cou et
leurs bracelets de corail aux poignets. Les hommes laissent échapper une natte d'encre de
leur chapeau de feutre, signe de reconnaissance sur leurs ponchos bleu foncé.
Leur toilette se complète par une chemise de coton, un pantalon s'arrêtant aux
mollets et une paire d'espadrilles. Dans l'ensemble les Otavalo ne manifestent ni sur
leurs visages ni par leurs gestes aucune joie. Comme le disait le Marquis de
Wavrin " seuls savent rire les Indiens qui n'ont pas connu l'oppression
du blanc ". Inutile de dire qu'à la fin de cette première
visite une grosse partie de notre réserve de sucre (monnaie locale qui porte le
nom du "zéro" local et non celui d'un dérivé de betteraves) avait
fondu et le volume des bagages fortement augmenté. Puis... " c'était la ruée par les collines
et tout à coup apparaissait le lac" (Pablo Neruda). En l'occurrence le
lac de San Pablo : plan d'eau sombre couleur d'anguille, écrasé par l'lmbabura
qui part de son rivage et ne lui laisse que la mesure de son ombre. Repas de midi au bord de l'eau à Los Cabanos de
Lacca (en gros l'auberge du lac pour les francophones). Etape suivante Cotacachi réputé pour ses cuirs.
"Mary-Jane" se met à la recherche de dessous en peau de bêtes en vue
de ... (mais sait-on à quoi rêvent les jeunes filles ?). C'est aussi
l'occasion d'assister à une course de caisses à savon dans les rues du
village. Puis nouveau périple vers l'avenue des Volcans
jusqu'à Salcedo. Gîte du jour : Rumipamba Los Rosas. Exceptionnellement il sera fait ici un commentaire
sur l'hébergement car l'endroit semble sorti de l'imaginaire d'un croisement
entre le facteur Cheval et Yvette Horner en pleine crise de paranoïa. Indescriptible !!!
J3
31/10/93
- SALCEDO -
CUENCA Avant de reprendre la route de la Sierra vers Quito
deux mots sur nos accompagnateurs. D'abord Renato qui plus qu'à un guide
ressemble à un chaton abandonné par sa mère au milieu d'une bande de chats de
gouttières. Mais il a pour lui une "délicieuse" connaissance de
notre langue et de son sujet, mais surtout l'amour de son pays. Quant à Annibal,
il est un chauffeur placide et heureux que même le bruit de son bus n'empêche
pas de dormir. L'avenue des Volcans traverse des paysages désertiques,
des champs qui dégringolent des versants abrupts, des vallées noires, des précipices.
Le nord équatorien est sauvagement beau mais si rude que les hommes le déserte.
C'est ici que survit le peuple Otavalo accroché à ses
origines incas et à cette terre qui a vu naître ses ancêtres. Les villages
semblent perdus au bout de chemins escaladant les roches ou filant à travers de
vastes solitudes. Leurs maisons se fondent dans un horizon de nuages. En court de route nous allons au marché de Pujili
plus haut en couleurs que celui d'Otavalo. Dernier arrêt à Latacunga pour
visiter la cathédrale qui est une "édification très romanique", puis
c'est l'aéroport de Quito pour un vol vers Cuenca où nous sommes attendus par
une foule en délire agitant des drapeaux. Philippe en profite pour faire un
tour d’honneur. Gîte du jour : Hôtel Crespo. J4
01/11/93
- CUENCA C'est la troisième ville par la population mais la
plus belle pour les Equatoriens. De son passé colonial elle a gardé de jolies
maisons à balcon de bois, des ruelles pavées et une extraordinaire cathédrale
baroque rose. Cuenca est parfumée par le marché aux fleurs quotidien du couvent El Camor. Elle est chaude par son soleil et le rouge de ses toits de tuiles romaines. Elle est vivante grâce à un artisanat foisonnant: orfèvrerie, vannerie. cuirs. broderies et surtout les fabriques de panamas. Bien sûr nous visitons un atelier et surtout un magasin où ces couvre-chefs réputés sont confectionnés et vendus.
Autour de Cuenca on est loin des Andes, les collines
se font douces et la ville est pelotonnée au fond d'une vallée sur les rives
de deux fleuves. Du haut de la colline El Turi on a une vue générale de la
capitale de sud. Sur ce sommet " Jack-line" a cette phrase définitive:
"il suffit de monter quelques marches pour être un peu plus haut, surtout
quand on est petite." Autres curiosités à Cuenca : l'église des
Dominicains, l'église et la place San Francisco. Gîte du jour: Hôtel
Crespo. J5
02/11/93
- CUENCA - GUAYAQUIL Nous reprenons la route au petit matin sur les routes de montagne à travers les nuages et un véritable « patchwork » de bruns et de verts élaborés par la ténacité des agriculteurs de la Sierra. Nous croisons quelques lamas qui nous regardent passer avec un air dédaigneux. Nous nous arrêtons à Ingapirca (" murs des Incas" en langue quechua). Il s'agit de plus important vestige inca du pays. Il se dresse isolé
dans l'altitude des Andes et ces quelques murs rendent un hommage silencieux à
ces maîtres de la construction en pierre qui n'utilisaient pas de mortier.
Quelques enfants Canaris courent sur les degrés du temple. Ils montent et
descendent comme un vol d'oiseaux dans le ciel, se regroupent, se séparent,
toujours en mouvement. Le rythme vif de leur course contraste avec l'immobilité
des pierres anciennes. C'est la fête des morts et tout au long de la
route, bravant le vent et la pluie, toute la population venant de partout, en
famille, se rend aux cimetières pour passer la journée avec ses défunts.
C'est dans ce décor un peu surréaliste que nous pique-niquons. Il faut être
fou ou touriste pour faire cela dans de telles conditions ! Enfin nous abordons la Costa d’Abondance. Peu de
spectacles aussi impressionnants que le passage entre Sierra et Costa. Jungles
d’arbres gigantesques qui s’accrochent obstinément à la rocaille et
transgressent la loi de la gravité, rivalisant avec les mousses, le lierre et
les lianes en un concours d’équilibre dans le grand cirque de la nature. Puis
on entre dans une immense hacienda bananière quelque peu bouleversée par le pétrole,
première richesse du pays, pour finalement arriver à Guayaquil. Guayaquil est la rivale de Quito, la cosmopolite,
l'affairiste, la bruyante et la tropicale se nichant au fond de l'estuaire de
Guayas et protégée par l'île de Puna et une immense statue du Christ. Ville
sans âme ne possédant que deux attractions touristiques : le grand cimetière
dont les innombrables et immenses tombes blanches lui ont valu le surnom de
"ville blanche" et une cathédrale dont le choeur trempe les pieds
dans la piscine tropicale du Grand Hôtel (où nous résidons). Guayaquil serait aussi un coupe-gorge d'après
Renato. Nous restons donc reclus dans notre prison dorée à prendre des cours
d'accouchement en piscine sous la direction de Betty. Dans la moiteur de cette
première nuit tropicale nous découvrons la troisième attraction de la
"Perle du Pacifique" : un trio de musiciens- chanteurs aux timbres brûlants
et à l’œil de velours. Après plusieurs roucoulades, oeillades et autres spécialités
sud-américaines, Dominique fait la rencontre de Jésus. A l'instar de Claudel
qui le rencontrait derrière un pilier de Notre-Dame un soir de Noël, elle le découvrit
derrière une guitare au Grand Hôtel de
Guayaquil. Après il est question de
"compromissione", de "passionne", etc... Quant à la suite,
cela ne nous regarde pas ... J6
03/11/93 -
GUAYAQUIL -SAN CRISTOBAL - MS GALAPAGOS EXPLORER Le matin nous faisons enfin un petit tour dans la
ville -en rangs serrés- pour voir la cathédrale et le parc municipal, tous
deux fermés par de fortes grilles ( voleurs obligent I ). Après nous quittons
Jésus et Guayaquil pour nous rendre vers la terre promise : les Galapagos. Nous
nageons en plein mysticisme ! Dans le port de San Cristobal nous attendent dans
l'ordre: des otaries, des frégates, des martins-pêcheurs et Gaston, le
capitaine du "M.S. Galapagos - Explorer". Nous devons nous adapter très
vite à bord et à la démarche chaloupée. Si Betty est à l'aise dans une
piscine elle ne l'est pas du tout sur un navire. L'ancre n'est pas encore levée
et déjà le secours en mer doit intervenir pour sauver la casquette du président
(et pourtant Jean-Pierre est absent !). Après un tour autour du rocher du
"lion endormi" première nuit à bord.
J7
04/11/93
- LES GALAPAGOS Après cette
première nuit à bord il y a enfin tout le monde est sur le pont pour le
premier débarquement. A ce propos notre guide Billy nous apprend que si les
pinsons de Darwin sont au nombre de 13, les débarquements sont au nombre de 2 :
les secs et les mouillés. A noter que les seconds se reproduisent mieux que les
premiers. « C'est la nature! ». Notre
premier débarquement -mouillé – dans le plus étrange pays du monde
-paysages de lave et de cactus, a bien sûr lieu sur l’île Espagnola, dans la
baie de Gardon. Première rencontre avec les otaries sur la plage avec
leur corps alangui de sirène, leurs fières moustaches, leurs yeux cajoleurs et
leur petit museau rieur. Malheureusement le mâle veille sur son harem qu'il
sermonne ( quel homme! ). Cris qui ne sont pas sans rappeler la toux rauque
d’un bronchiteux sorti par inadvertance d'un hôpital départemental. Nous
avons la chance de tomber sur la mise bas pour laquelle la seule assistance était
une buse chargée de récupérer le placenta. Toujours la nature ! Autres
rencontres: les lézards des Laves dont la femelle se reconnaît à son cou
rouge, les mouettes à queue d'aronde et à l’œil rouge pétillant de malice.
la délicieuse fauvette jaune, l'indiscret et peu farouche merle moqueur et le
photogénique crabe écarlate qui cache son ventre bleu. Et au large un fou
passe et un autre plonge. Après le repas à bord, nouvelle sortie mouillée à Punta Suarez où nous accueillent comme il se doit les otaries. Ici nous allons à la rencontre des fous qui comme les débarquements sont de deux sortes : les masqués et les pattes bleues. La légende
dit qu'il yen avait une troisième: les pattes rouges. Nous n’en verrons pas
(Ils étaient de sortie avec les iguanes terrestres et les manchots). Par contre
nous dérangeons les albatros dans
leur parade nuptiale et un héron se régalant d’un crabe écarlate. Et enfin
nous tombons sur une colonie d'iguanes marins que Darwin qualifiait « d’hideux
monstres noirâtres ». En fait, ils n'ont que le déguisement d’un
monstre et ils mangent paisiblement les algues et les varechs en inclinant la
tête sur le côté, ce qui leur donne un petit air attendrissant. Ils dorment si tendrement empilés sur les rochers
que ce tableau dégage une impression de paix et d'éternité. On a l'impression
d'assister à une scène qui dure depuis des millions d'années. Même les
plantes sont d'un autre monde, ainsi les scalésias, cousine locale de la pâquerette,
atteignent ici la taille de 3 à 6 m.
J8
05/11/93
- LES
GALAPAGOS Matinée sur Floreana avec les incontournables
otaries mais surtout une végétation luxuriante: palétuviers, scalésias,
fruits de la passion, micronias, ... Dans la lagune derrière un rideau de palétuviers
nous découvrons les flamants roses dressés sur leurs tiges graciles. Puis nous
nous dirigeons à pied vers la plage "farine" (sable fin et blanc d'où
ce nom) pour voir s'ébattre au large les tortues de mer et entr'apercevoir des
raies. Repas à bord. Durant la sieste une frégate qui ne manque pas
d'air, se gonfle d'orgueil et se pare d'une belle poche rouge qu'il frappe de son bec pour séduire
les belles au sommet du mât.
L'après-midi enfin un débarquement sec à Puerto
Ayora pour visiter la station Darwin et son élevage de tortues terrestres. En
cours de chemin nous avons l'opportunité" de voir des cactus candélabres
et raquettes et de nombreux pinsons. Puis nous découvrons enfin les tortues géantes
qui ont donné leur nom à ce royaume naturel si enchanteur que les premiers
marins l'avaient baptisée, eux, Los Encataras (les Îles enchantées). Elles
semblent bouder quand on les dérange, poussent de gros soupirs comme une
baudruche qui se dégonfle et grognons, rétractent leur carapace, ou se déplacent
avec leur démarche paisible et nonchalante, yeux langoureux et airs de vierge
effarouchée. Autre particularité de ce port : le prix des livres
y est inversement proportionnel à la distance qui vous sépare de votre bateau.
Nouvelle nuit à bord. J9
06/11/93
- GALAPAGOS -QUITO Avant de quitter l'archipel Colon (tel est le nom
que lui donne l'administration équatorienne) nous repartons pour un tour autour
du "lion endormi" (ils ont du l'endormir pour occuper les touristes !)
puis dernier débarquement sec à San Cristobal. Puis vol vers Quito via Guayaquil. Certains profitent de l'escale pour revisiter
l'aéroport !! Sans doute" Jack-line" avait-elle un dernier achat
à faire ? Arrivée à Quito où Annibal est seul à nous attendre Renato ayant eu un
accident. Mais tout rentre dans l'ordre et nous faisons une trop rapide visite
du vieux Quito de nuit. La lumière remplace les bruits et la ville brille de
tous les ors de ses églises baroques au pied de la vierge de Panecilio qui
embrasse le panorama perchée sur une colline en surplomb. Dès les premiers pas nous sommes submergés par une profusion d'églises, de
chapelles et de couvents, dorés, tourmentés et surchargés de fines sculptures
ce qui a valu à la cité le nom de "forteresse spirituelle" des
Andes. L'enchantement commence sous les arcades de la Plaza de la Independencia
qui étale parterres fleuris et cascades de fontaines autour de la cathédrale où
repose Antonio Jose de Sucre le libérateur et le "zéro" de l'Equateur,
du palais gouvernemental et du palais épiscopal. A deux pas la Compagnia,
l'ancienne église des Jésuites (chers à Phillipe), qui fait partie
aujourd'hui des plus belles églises d'Amérique Latine. La richesse de sa façade
sollicite le regard et l'intérieur l'époustoufle. L'or... l'El Dorado est ici
dans un déferlement d'autels, de colonnes, de retables et de portes enluminées
à l'or fin. On comprend mieux Alexandre Humbolt quand il dit que "les
Indiens sont un peuple étrange qui vit dans la pauvreté sur des montagnes
d'or." J10
Le matin nous prenons la route pour traverser la
Sierra et nous rendre vers l'Oriente et sa forêt amazonienne. Sur notre chemin
nous regardons une fois encore le Cotopaxi qui dresse sa cime enneigée à plus
de 6000 m. Un immense patchwork de champs revêt partout le flanc de la montagne
aussi haut que le permet l'altitude. Sur la pente balayée par les nuages et les
vents un fermier pousse devant lui un araire de bois tiré par une paire de bœufs,
sa femme le suit partout une houe et un bébé dans le dos. Difficile combat
pour l'existence à 3500 m d'altitude. De temps à autre un cavalier là-haut près
d'une minuscule vallée-oasis, une bergère filant sa quenouille, des précipices
à couper le souffle, des montagnes, des montagnes et encore des montagnes
jusqu'au bout de l'horizon comme si le Créateur n'avait de cesse d'avoir ici
jeté, accumulé, entassé, entaillé, plié et torturé toutes les roches de la
création. « Peuple étrange qui s’endort tranquille
au pied des volcans et s’amuse avec des musiques tristes »
(Alexandre Humboldt) Après un pique-nique mouillé nous reprenons la
piste (nous avons quitté l'asphalte depuis longtemps) pour arriver à Puerto
Misahualli au bord du Rio Napo où nous attendent des militaires tatillons et
les pirogues pour nous rendre à la Casa del L11
08/11/93
- AMAZONIE Sortie d’une journée dans la forêt sous la
conduite du « natif » armé d’une machette, engin servant tour à
tour à couper les plantes, peler les oranges, décapsuler les bouteilles. Nous
plongeons dans un enchevêtrement d’arbres étranges, des fleurs inconnues, de
plantes médicinales, véritable océan végétal ténébreux. Les arbres ici ne craignent pas d'adopter une grande
famille. Ils portent sur eux des orchidées, des lianes qui les embrassent à la
vie à la mort. Il y a aussi le Matapolo (tueur d'arbres) qui se présente
comme un roi avec une couronne à 3 ou 5 branches. C'est le grand boa, le grand
étouffeur, le grand étrangleur des autres arbres: Jeune il s'adosse contre un
arbre, croît, grandit, l'entoure puis l'enserre, l'étrangle le broie et le
tue. Ses branches ont de loin la douceur du velours des chenilles et l'apparence
sage et réfléchie que donne les barbes ( n'est-ce pas Yves B. ? ) . Comme dans la chanson nous marchons dans la boue
avec des démarches plus ou moins gracieuses allant des dérapages non contrôlés
à la danse du cygne pour les plus agiles. Dur, dur, mais c'est la nature !
Pique-nique sur une plage au bord des eaux
tumultueuses du Rio Napo. Puis visite d'un village indigène et d'une école
dont la fonction principale semble être le séchage des grains de café car ici
aussi les enseignants font grève. Nous dégustons une Chicha (boisson à base
de manioc pilé) que nous prépare une accorte native. J12
09/11/93
- AHUANO
- BANOS Nous quittons la Casa del Suizo, dernier tour en
pirogue afin de rejoindre Annibal et notre bus à Puerto Misahualli. Aux détours
du Rio Napo nous croisons quelques orpailleurs en quête de fortune puis nous
prenons la route de Banàs qui longe Rio Pastaza - rivière chocolat qui
consomme beaucoup de terre en passant. Le parcours est agrémenté par des
cascades et des orchidées ce qui oblige à de fréquents arrêts. On peut
comprendre l'effet diurétique d'une chute d'eau, celui des orchidées reste un
mystère pharmacologique à élucider avec Dominique et Anne-Cécile. Repas de
midi à Puyo puis traversée du Canyon de Saint-Martin et enfin arrivée à Banos.
Il s'agit d'une petite bourgade qui est la porte de
l'Oriente mais aussi une station thermale. Singularités touristiques : une tour
d'horloge et surtout l'église de la Vierge des Eaux qui à elle seule concentre
tous les éléments de la dévotion et de la naïveté du peuple équatorien. On
y trouve pêle-mêle : des tableaux décrivant les miracles de la Vierge de
Santa Agua avec un réalisme béat, des statues de saints d'une naïveté déroutante
(ex: un saint Vincent en plâtre avec une trompette en alu !), des ex-voto,
des mèches de cheveux et des photos de fidèles, des béquilles et des plâtres
devenus inutiles. Dans les rues on peut voir des artisans faire une pâte
collante à base de canne à sucre qu'ils battent et étirent : la Melocha. Et
bien sûr des boutiques... Gîte du jour : Cabanas Bascun Cet endroit semble mal famé. Certains d'entre nous ont cru voir Monsieur
Ramirez - honnête commerçant colombien - accompagné de sa dame et de quelques
jeunes gens de fort gabarit et aux poches renflées. Grâce au sang-froid de
Philippe et des 2 Yves nous évitons un bain de sang (le rhum local y est aussi
pour un peu !). J13
10/11/93
- BANOS - GUAYAQUIL Sur la route, à travers le Paramo dont le paysage désolé est adouci par des nappes de brouillard effilochées par le vent, surgit de temps à autre un indien, son poncho rouge poussiéreux faseyant au vent.
Nous
traversons à fond de train Riobamba car nous devons nous rendre à Alausi pour
prendre l'autoferro qui lui n'attend pas... pour la bonne raison qu'il n'arrive
jamais.
Après trois heures d'attente au soleil Après trois
heures d'attente au soleil, nous reprenons notre bon vieux bus. Encore un pique-nique mouillé avant d'aborder la
Costa puis Guayaquil, ses voleurs, son Grand Hôtel et.. Jésus. A l'arrivée
manquent les valises d'Anne-Cécile et de Dominique ce qui épuise définitivement
les surrénales du pauvre Renato déjà si malmenées. Mais cet incident rentre
dans "ordre et n'empêche pas ces jeunes femmes d'être très élégantes
("les femmes le sont toujours !") au dîner d'adieu fort émouvant par
ailleurs. Cette surcharge émotionnelle étant due pour une
forte part aux trémolos mouillés de Jésus et de ses acolytes. Après un
dernier pot en commun nous nous éclipsons pour laisser Cathy, Anne-Cécile et
Dominique seules avec le trio de charme. Et ce qui se passe après ne nous
regarde toujours pas !!1 J14
11/11/93
- Le voyage en Equateur est un constant aller-retour
entre euphorie et désespoir, ombres et lumières, paix et fracas. "Après tout la meilleure manière de
voyager est de sentir Tout sentir de toutes les manières. Sentir tout excessivement Parce que toutes les choses sont en vérité
excessives Et toute la réalité est un excès. une violence
Que nous vivons tous en commun..." Au chapitre des remerciements une fois encore merci
à Gérard pour la mise au point et le déroulement de ce périple, merci à
Nathalie pour son regard attentif, à Mary-Jane pour son rire communicatif, à
Betty pour son mal de mer stoïque, à Chantal pour son positivisme souriant, à
Dominique pour son apport musical, à Anne- Cécile pour ses cavalcades
photographiques, à Cathy pour son tabagisme discret, à Isabelle pour son
assistance sanitaire, à Zimmermann pour m'avoir emmené une fois de plus et
pour son humeur Zhumirienne (Zhumir = sirop calmant local), à Yves le petit
pour son imitation de l'otarie mâle, à Yves le grand pour sa sensibilité
bretonne, à Phillipe pour le retour des Jésuites, à Michel pour son "Moscontin"
joyeux. Pour finir (enfin !) il me vient en mémoire ce
passage de l'Ancien Testament Tout commença par un voyage Quatre maîtres
pénétrèrent dans un jardin Le premier mourut Le deuxième devint fou Le troisième devint autre Le
quatrième entra et sortit indemne.
"
Maurice.
P.S. le thème musical du voyage était "Guantalamera"
(pour ceux
« Avec un enthousiasme qui surmontait tous les obstacles, ils escaladèrent les Andes, ils descendirent les sombres rivières mystérieuses, ils traversèrent les déserts et, à force de lutte, se frayèrent un chemin au travers des enchevêtrements de ces forêts toutes étoilées d'insectes phosphorescents... »
Victor Wolfgang Von Hagen |