1998  Yemen
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Sur les pas de la Reine de Saba

«  Le Yémen est connu pour attirer les cinglés épris de solitude »

( Jonathan RABAN)

 

«  En général, il ne faut pas prendre le voyage d’Arabie  pour un voyage de plaisir »

«  Pour les jeunes gens qui aiment leurs aises et une table délicate ou qui veulent passer agréablement leur temps en compagnie des femmes,  il  ne faut pas  qu’ils aillent en Arabie. »

( Carsten NIEBUHR en 1762)

Nous voilà donc prévenus. C’est pourtant à 22 que nous que nous décidons de prendre le départ de cette expédition.

Il est des pays dont le nom seul résonne comme une invite au plus haut mystère de l’ailleurs. Le Yémen est de ceux-là et sans doute l’un de ceux qui ont le plus étonné le voyageur :

«  C’est un pays de genèse et d’harmonie. Un livre des mille et une nuits. Tout appelle à l’imaginaire et au rêve :  le royaume de la reine de Saba, la route de l’encens et des épices, le café de Mokha, Zébib la cité de l’algèbre, les maisons-tours de Sana’a et de Shibam, l’arche de Noé qui se serait posée près de Sana’a, fondée par Sem son fils, Mélchior partant de Qana, climat qui loge la verdure en plein désert...

Symbiose constante entre les images  et la couleur, entre le milieu minéral et l’oeuvre de l’homme qui a créé une architecture  spontanée qui se confond avec le paysage en offrant une foison de teintes.

«  L’air y est parfumé, dans un état continuel, de l’odeur des plantes aromatiques que la nature y fait croître sans culture. Mille ruisseaux descendent des montagnes et entretiennent une fraîcheur perpétuelle qui tempère l’ardeur du soleil sous des ombrages toujours verts »

VOLTAIRE

( Essai sur les Mœurs )

  

«  Choisi ton compagnon avant de choisir ta route »  dit un proverbe arabe. Ce que nous avons fait. Et c’est en voyageurs infatigables et jamais satisfaits, toujours à la recherche de nouvelles lumières, de nouveaux mystères que nous prenons la route.

Alors : «  AHLAH WA SALAH », bienvenus dans ce pays isolé au bout de l’Arabie ancré dans un passé médiéval, beau et violent, enveloppé de siècles de mystère.

J 1     STRASBOURG/ GOMETZ/ PENFAO    -     SANA’A                       30/10/98

             La jonction Strasbourg - Roissy se fait avec quelques turbulences - dont nous ne sommes nullement responsables - mais sans encombres. Nous y retrouvons Nathalie et Gérard et nos apothicaires préférées. Moments d’angoisse avant l’embarquement sur la Yéménia car les Bretons sont en retard. A leur décharge il faut dire et redire que leur contrée est éloignée et sous-équipée. Que font les ministres  des transports et des D.O.M. - T.O.M. ? ?

C’est au complet et fortement lestés de whiskies que notre avion prend les airs.

Nuit à bord  et arrivée à SANA’A au petit matin.

«  Il faut voir SANA’A même si le voyage est long » dit le proverbe arabe.

Nous y voilà enfin.

Sana’a

Tu dépèces l’Obscur

Et tu dissous le temps

ABDELAZZI AL MUQALIK

Sana’a, un nom magique qui fait rêver comme une improbable réalité. Sana’a la fabuleuse, l’incomparable, la «perle de l’Arabie »  avec son architecture époustouflante qui a échappé au temps.

Sana’a sûre d’elle et timide  nous attend et nous voilà précipités dans un conte arabe où le choc de l’œil et de l’esprit importe peu, seule compte l’émotion d’une prodigieuse rareté.

«  Il n’est pas dans tout l’Orient de grande cité qui puisse donner une idée de Sana’a. Ni le Caire au bord du désert que surveille le Sphinx. Ni Damas reine de Syrie, molle et subtile noyée dans ses vergers. Ni Jérusalem choc de voûtes, d’arceaux, de ruelles, d’excavations, de haine et d’amour »

Joseph KESSEL  ( Fortune Carrée )

OUI-OUI à l’aéroport.

Maman Biafine et Oui-Oui ont quitté le Val de Villé pour prendre l’avion :

«  Et si ça tombe en panne ? »

 

J 2                        SANA’A                                                        31/10/98

 

                       Nous voici donc dans les traces de Monfreid et ses cargaisons de contrebande, de Kessel poursuivant des marchands d’esclaves, de Malraux croyant survoler les ruines de Saba, de Rimbaud fuyant les salons parisiens.

Prospère pour les Grecs, herbeuse pour les Latins, fastueuses par ses parfums, l’Arabie s’entoure de mystères. Que sera-t-elle pour nous ? Soulevons le voile de ses mirages. Allons-nous succomber comme tant de marins aux parfums indicibles portés par les brises venues des  côtes ?

Après avoir déposé notre maigre bagage et notre cargaison de single malt à l’hôtel Sheraton nous partons à la découverte de Sana’a avec KHALED notre guide. Notre équipe se compose encore d’un guide stagiaire : Mohamed, d’un chef chauffeur : GAMIL, alias Gargamel et de 5 chauffeurs : dans l’ordre des 4x4 : ALI, MAHMOUD, ABDEL KARIM, MOHAMED et MOHAMED SALAH. La distribution est complétée par une guest-star, le fameux OUI-OUI, universellement connu par cette réplique célèbre qui a fait son succès : « Comment on fait quand ça ne marche plus ? ».     Mots simples dont il a su révéler toute l’angoisse qui étreint chaque homme le matin devant sa glace. Selon certaines rumeurs, PFIZER lui proposerait un rôle pour le lancement d’un nouveau produit. Mais ceci est une autre histoire.

SANA’A découvre d’un bloc le front serré de ses maisons, avec leurs bases pesantes, aux étages progressivement flamboyants dans une harmonie parfaite d’ocres et de blancs. Il semble qu’une main mystérieuse et toute puissante a élevé ces jets de pierre qui se perdent dans le ciel pour composer d’inaltérables remparts. Des dizaines de minarets tirent vers le haut cette masse ponctuée de coupoles massives ou graciles.

Avec ses maisons aux allures de palais pour conte des mille et un jours, elle semble surgie d’un rêve d’enfant.

Spectacle unique que cet ensemble architectural fondé sur la verticalité semblant issu du sol, toute posée sa force, sa fuite et sa sobre  noblesse.

SANA’A exsude une impression d’unité mais en la regardant de près c’est le chaos qui y règne, un capharnaüm de demeures  en terres colorées  dont les structures sont similaires mais en même temps rendues uniques par la gamme de variations inattendues sur le même thème. Le caprice individuel a du seul décider de la disposition de ces millions de briques  ou de pierres pour faire une architecture ludique, flamboyante et harmonieuse. On a l’impression de se réveiller d’un rêve de pains d’épices orné de dessins géométriques insensés et couverts d’un gribouillis de glaçage blanc. Le tout rehaussé par des vitraux colorés comme des fruits confits. On est à la fois ému et ébloui devant la gaieté et l’harmonie de ses arabesques (obligé en Arabie !!) de plâtre blanc, somptueux maquillage mille fois refait sur ces visages de terre qui refusent de vieillir. Tout se mêle pour le plaisir des yeux. Les pierres polychromes reflètent la diversité géologique du Yémen en leur conférant toute une palette de couleurs : laves grises, basaltes noir intense, calcaires crèmes, roches volcaniques allant du vert sombre au rouge orangé en passant par diverses nuances.

Les tours de torchis enjolivées d’arcs, de pignons, de crénelures, de frises à volutes évoquent un délirant concours de châteaux de sable. Les ornements de bois ouvragé sculpté, dentelé avec une habilité et une patience infinie donnent une grâce étrange à cette vigueur minérale. L’albâtre qui autrefois  tamisait la lumière du dehors a laissé la place  à des vitraux dont la stridence des verts, rouges, bleus, jaunes est atténuée par la gracieuse  résille de plâtre.

Les dômes blancs des mosquées ottomanes en forme de mamelons dépassent discrètement dans des groupes de bâtiments. Comment l’austère foi islamique peut-elle autoriser une architecture religieuse aussi sensuelle ? Au détour des ruelles  de vastes et mystérieux jardins que l’on devine derrière les enceintes aveugles  dans l’entrebâillement d’une porte.

La visite au musée se fait dans la somnolence générale avant un copieux repas dans un restaurant...libanais!!!

Puis nous partons pour la vieille ville et les souks. Sana’a en compte une quarantaine d’environ 1700 ducans (ou boutique ). C’est là qu’on écoute la mémoire de la vieille Arabie. Ici une foule de marchands et de chalands s’activent (doucement )  autour des étals colorés, chargés d’encens, de myrrhe, de vêtements, de bijoux, de fruits secs...

Les uns vantent et brandissent fièrement leurs marchandises, les autres pèsent, soupèsent et jaugent d’une main suspecte. Le rite de la transaction peut commencer : on s’exclame, on rabaisse, on se récrie puis finalement désenchantement du marchand qui semble abandonner sa vie pour une si faible poignée de rials.

Puis c’est l’odeur, la lumière aveuglante et l’insupportable charivari des Toyota se frayant un passage à travers les ruelles, soulevant des tourbillons de terre et d’immondices, obligeant les gens  et les bêtes à un sauve qui peut dément.

Au hasard du chemin on passe d’un souk à l’autre. Chez le parfumeur- apothicaire on trouve des préparations médicinales, des parfums et de l’encens. Le forgeron devant un soufflet réutilise des ressorts de Toyota pour forger des araires, le cordonnier s’est reconverti à la fabrication de seaux à puiser en utilisant de vieux pneus comme matière première.

Sous les arcades du souk des grains et des épices s’amoncellent des sacs de céréales, d’ail, de thym et d’oignon. On y respire le poivre fraîchement moulu, la coriandre, le cumin, la cannelle, la cardamome et le clou de girofle qui circulaient il y a deux mille ans sur la route de l’encens. Puis pêle-mêle un menuisier, un tisserand penché sur sa lisse ou un artisan sculptant l’albâtre, des marchands de sel, de djambias ou de qât.

Se promener dans les souks de Sana’a est un pur bonheur car les vendeurs n’importunent pas les étrangers. Les ruelles sont un bruit qui mêle les rires des enfants aux cris des marchands et aux chants des muezzins.

Les entrelacs des venelles d’apparence inextricables sont pourtant d’une logique constante car tous les chemins mènent aux deux pôles de la vie : le souk et la mosquée.

Sana’a est un véritable dédale avec ses couloirs étroits, ses murs oppressants de hauteur, labyrinthe concocté par un psychologue pervers.

Quand on ferme à demi les yeux on a l’impression de pouvoir littéralement lire cette ville. Le message n’a ni début ni milieu ni fin. On pourrait le définir comme un poème épique circulaire et dément qui chante la collision des religions et du monde séculier. Les motifs en zigzag des frises qui ornent les tours d’une calligraphie continue s’inspirant du mot Allah. Si Allah règne sur les façades, Jéhovah s’est réservé les fenêtres où l’on retrouve de temps à autre l’étoile de David. Le monde séculier a aussi son mot à dire avec les têtes de chien, de chèvres, d’hommes ou de chameaux ciselées dans les plus petits enfoncements demeurés vides.

Comment quitter Sana’a sans parler du fameux qât - CATHA EDULIS - qui coûte  la moitié du revenu des ménages yéménites et qui donne des nuits blanches aux économistes du F.M.I. car comme le constate le journaliste ALI MOUSSAIYE : «  Il faut être un pauvre universitaire borné pour réduire la qât à une molécule d’amphétamine et de le traiter de simple drogue, ou un dangereux illuminé pour croire que cette plante est bénie de Dieu et même du prophète MOHAMED. Il est tout cela et son histoire n’est pas encore finie. »

Vers 13h le Yémen entre en apesanteur. La mastication du qât commence. Le visage est déformé par une fluxion, ils mâchent la «boule du bonheur » aussi naturellement que Jean-Pierre son Tonigum. D’heure en heure la boule enfle comme un énorme abcès dentaire. Certaines joues appartenant à de probables  virtuoses renferment une véritable balle de tennis.

En général les Yéménites se retrouvent avec leurs bottes de petites feuilles aux ogives bien vernissées dans les «muffradges » (pièce la plus haute de la maison) ou au fundouq, voire au volant d’un 4x4 pour entamer avec une lenteur consommée leur mastication.

« Sur les visages hébétés du crépuscule                              

le mutisme est devenu langueur                                             

jeunes et vieux                                                 

mâchent leurs vertes années                                       

gaspillent l’eau de la vie                                                             

où luisaient le rêve et l’innocence »                                        

ABDELAZIZ AL MAQUALEH   

       Gîte du jour : SHERATON SANA’A

OUI -OUI a  Sana’a

OUI-OUI trouve que les maisons ressemblent aux châteaux-forts de sa province :

 « Maman, je veux mon casque à pointe »

J 3      SANA’A  - MARIB                                                1/11/1998

 

La nuit semble s’être bien passée pour tout le monde, un peu mieux pour les Philipp puisqu’ils ont pris la décision d’adopter un petit chartreux (non pas un orphelin natif de Chartres, il s’agit d’un petit chat). Mystères des nuits orientales !!!             .
          Dès la sortie de Sana’a nous faisons connaissance avec la police et l’armée yéménite qui nous proposent des escortes et c’est avec une puissance de feu équivalente à un croiseur que nous prenons la route.

Partir pour MARIB c’est espérer franchir la porte du palais de la reine de Saba, la Bilqis du coran. C’est se répéter : du sable, du sable et en faire surgir des mirages. Tout ici est légendaire. Le vieux Marib, ville fantôme au loin n’est plus que pans de murs habités par de pauvres hères. Seule la coupole blanche de la mosquée signale l ’actuelle cité qui dessine sa silhouette fantasmagorique déchiquetée par l’érosion.

« Entre ces pans de murs à l’abandon s’est accumulé, pendant des siècles, l’encens de toutes les adorations du monde antique...

Ville de reines magiciennes et des astrologues qu’il est bien de te voir terre des Dieux, ta fortune est d’imaginer encore à l’odeur de ton sable un peu de parfum des substances sacrées. »

André MALRAUX

Marib a toujours excité l’imagination d’archéologue, d’écrivains, d’aventuriers. C’est ici que la légende situe l’Eden biblique. Une fois sur place, on comprend pourquoi.

Si Bilqis la reine légendaire de Saba appartient au domaine des rêves qui traversent la Bible (I Rois, 10, 5-9), le Coran (Sourate 28, 20-47) ou la mémoire juive dans le livre d’Esther, le royaume de Saba fût bel et bien puissant, prospère et parfumé de myrrhe et d’encens.

Au roi Salomon la Huppe dit : « ...je t’apporte sur les habitants de Saba une nouvelle sûre. J’ai découvert qu’une femme est leur reine, que de tous les biens elle a été comblée et que son trône est magnifique. » (Coran, Sourate 28)

Il en résulte l’histoire d’une merveilleuse incursion. Une reine surgie des sables ou des vagues arrivent à Jérusalem : «  ...la richesse et la beauté viennent s’incliner devant la sagesse et la force » pour déverser or et encens à ses pieds et disparaître. Séduit, Salomon écrivit ce vers dans le Cantique des cantiques :  » ...que tu es belle ma bien-aimée, que tu es belle... ». En gros ce que nous disons à nos compagnes tous les matins.

Mystérieuse reine des sables cette souveraine hante l’imaginaire des hommes (vous aussi Mesdames) suscitant une foison de textes sacrés et légendaires. Si l’Histoire est muette à ce sujet l’art a su  donner le visage idéal à ce personnage insaisissable. Elle a été statufiée dans les  cathédrales de Chartres, Amiens, Corbeil et Parme. Elle apparaît dans le retable de Klosternburg, dans le Hortus Deliciarum de notre chère Herrade.

On la retrouve aussi sur les vitraux des cathédrales de Cologne et de. Strasbourg. Quantité de peintres se sont inspirés de son image ou de sa légende : Raphaël, Le Tintoret, Véronèse, Pierrio de la Francesca, Le Lorrain  et Sir Edward Poyates (ce dernier est cité pour faire plaisir à sa famille).

Aujourd’hui il reste d’immenses piliers monolithiques quadrangulaires s’élevant sur des successions de terrasses, d’énormes pavés polis des frises d’animaux et de végétaux très stylisés, une écriture géométrique esthétisante...

Le temple ALMAQAL (de la lune) ou trône de Bilqis consiste en cinq piliers carrés émergeant du sable et d’un sixième cassé à la base.

Le temple MARAH BALKIS (de Bilqis ou du  soleil) n’a que les huit colonnes  carrées du péristyle.   

Il se dégage de ces vestiges sabéens de multiples impressions : grandeur, inactivité, magnificence insoupçonnée pour les plus imaginatifs, mais celle de n’avoir pas vu grand chose pour les autres. D’autant plus que le gardien n’est pas là pour ouvrir le site !!

Nous admirons le coucher du soleil sous le nouveau barrage après avoir vu l’ancien : blocs de pierre bien agencées avec inscriptions sabéennes, têtes d’ibis et ornements divers.

Gîte du jour : Hôtel BILQIS

OUI-OUI  au barrage de Marib

OUI-OUI a oublié sa  bouée-canard :

« Et si le mur casse ?? »

J 4           MARIB     -   SEYUN                                                02/11/1998

 

Réveil à 4h. Certains ont déjà du mal à comprendre que nous sommes en vacances.

Nous prenons l’ancienne route des caravanes d’encens à travers «l’empire du vide » : le RUBAL  KAHLI. Nous  l’abordons sans crainte aucune car Gérard armé de son GPS nous donne régulièrement l’emplacement de Gometz.

Dans ce désert de dunes la matière s’amenuise jusqu’à disparaître. Il ne reste plus que la lumière, l’air, le soleil et la ...poussière ! Nous y enregistrons notre deuxième crevaison et le changement de roue se fait presque aussi vite que dans les stands Ferrari.

 

Le déjeuner « riz-poulet » est pris à la sortie du désert avant l’embranchement de la vallée de L’HADRAMAOUT. Nos chauffeurs y trouvent leur ration de qât car la fabrication de la «boule du bonheur »  se fait de 13h à 18h.

Puis nous entrons dans un paysage de gorges chahutées d’à pics démesurés  qui font oublier les sortilèges urbains. Jalonnant les éperons rocheux les villages fortifiés orgueilleux dominent les sentiers creusés dans le sable surchauffé que les caravanes de la reine de Saba, les cavaliers de l’Islam puis enfin les officiers à stiks de Sa Gracieuse Majesté empruntèrent avant que nos 4x4 bruyants les investissent. Les routes rapiécées et serpentines se transforment  bientôt en chemins chaotiques et lunaires.

A l’abord du wadi le plateau s’affaisse, au loin quelques plumets sombres tranchent sur ces ocres mouvants, encore quelques heures de route et on découvre un fleuve de palmiers roulant dans une longue vallée entre les hautes falaises régulièrement échancrées. En masse compacte villages ou châteaux isolés en ponctuent le cours. Entre les butées de terre où l’eau d’irrigation se fraye un passage les plus minimes des jardins verdoient : sorgho, luzerne, maïs, légumes et même parfois quelques fleurs

L’harmonie entre les volumes et les couleurs, verticalité des parois et des maisons, camaïeux de tous les jaunes ou bruns, de l’ocre au rose colorient les falaises qui de décrochement en décrochement conduisent l’œil à l’infini en composant une illustration pour conte de fée.

L’HADRAMAOUT, étendue désertique dont la beauté évoque celle des femmes qui travaillent dans ses champs. entièrement vêtues de noir, le visage caché, elles portent des chapeaux coniques qui allongent leurs silhouettes et les font ressembler à des sorcières (on ne dit pas cela pour toi Dominique P. )

En matière de style les cités de l’Hadramaout ont choisi d’importer du monde extérieur tout ce qui leur plaisait : arcs moghols, clochers d’églises portugaises, palais de maharadjah, colonnades néoclassique ou frontons vénitiens. A chacun son goût.

Soudain la piste se brise. Le plateau plonge dans une entaille profonde vers quelque chose de miraculeux : en contrebas une mer immense de palmiers qui vient mourir contre le WADI DUAW affluent de la rivière Hadramaout. Comme surgit de nulle part on la voit de loin, surprenante, elle miroite et vibre dans la poussière, elle apparaît comme un mirage incongru : immense forteresse mauve, compacte et trop ornée pour faire partie du paysage.

C’est SHIBAM masse géométrique au couronnement blanc, percé de mille fenêtres. Cette ville possède cinq cent fois la même maison, le même immeuble, cette ville qui a tout pour être monotone foisonne de détails qui fragilisent la mémoire, qui bougent et interpellent. Ces maisons sont des hymnes terrestres à la beauté du ciel illimité. Ici depuis la nuit des temps la poésie est d’ordre tellurique.

Les maisons s’élèvent avec une déconcertante facilité sur 5 à 7 voire 9 étages. Les murs de boue séchée se dissimulent sous un extravagant décor de chaux peinte et sont percés d’étroites fenêtres. Le tout baignant dans une unité chromatique qui se décline en clair et blanc. Frontons, moulures, pilastres, fenêtres  exposent les pastels les plus fous :   rose tyrien, vert émeraude, turquoise azur.

Dans le dédale des ruelles étroites il faut se tordre le cou pour voir le ciel. Les serrures, les   heurtoirs, les moucharabiehs et les fenêtres sont de véritables œuvres d’art.

Au détour d’une venelle, annoncée par le cliquetis des ses bijoux en argent on voit passer une femme voilée de noir dont on devine des yeux de braises enchâssés de khôl... car hormis la transparence elle ne doivent rien montrer.

Nous montons sur le djebel en face de Shibam pour un coucher de soleil sur la «Manhattan du désert ». L’agence nous en a programmé un pour chaque jour !

                    Puis nous reprenons la route vers SEYUN.

Gîte du jour : SAMAH Hôtel

OUI-OUI dans le désert

OUI-OUI trouve que la plage est très grande et il cherche la mer :

«  Maman je veux ma pelle et mon seau ! »

 

J 5                                   SEYUN                                               3/11/1998

SEYUN est parait-il la ville au million de palmiers. Nous le croyons volontiers sur parole, préoccupés que nous sommes par le saignement de nez de Gwen. Après les épistaxis de Marie-Jeanne la veille nous concluons que les mœurs domestiques des Bas-Bretons changent peu de celles de la vallée de la Moder. Que font les assistantes sociales, les associations de femmes battues ou autres ligues antialcooliques. Cette parenthèse sociale digne du meilleur Zola étant fermée nous nous rendons au musée de la ville situé dans le monstrueux palais que le Sultan KATHARI  fit construire en plein centre. Cet édifice style indo-british flanqué de quatre tours ressemble à une de ces tartes  d’anniversaire de cartoon. En dehors d’une collection de photos  en noir et blanc oeuvre d’un batave, la visite ne suscite aucun enthousiasme particulier dans le groupe.

La ville s’ordonne autour du palais, du marché et de la mosquée comme presque toutes les cités arabes. Les maisons apparaissent comme des forteresses qui diffusent la tristesse de leurs pierres incendiées. Seule coquetterie : les fenêtres s’ornent de claustra de bois  à arcatures géminées et de terrasses qui se bordent d’acrotères (ces détails pour Dominique de la HVS qui adore - entre autres - les mots rares ).

Nous reprenons l’ancienne route des caravanes dans la vallée de l’Hadramaout où les femmes aux chapeaux coniques s’activent dans les champs. Tableau bucolique s’il en est, tant il est vrai qu’une femme au travail a quelque chose de reposant. La vallée est parsemée de palais mi-indien, mi-rococo aux façades tarabiscotées et aux couleurs criardes soulignent la richesse des Hadramis ayant fait fortune à l’étranger.

Après un arrêt dans un four à chaux - autres curiosités de la région - nous arrivons à AYNAT, village semi-abandonné, constitué de maisons en pisé suspendues dans le ciel. Il s’y trouve aussi un très beau cimetière avec neuf mausolées à coupoles  et de pierres tombales  avec de remarquables calligraphies. Malheureusement l’accès est interdit aux roumis.

Retour sur TARIM pour un ragoût de chameau (dromadaire pour les puristes ) à l’Algubba Palace, discrète petite auberge de campagne où nous faisons une petite sieste au bord d’un bassin, affalés sur des coussins. Pendant que les uns devisent gentiment autour d’une tasse de thé  d’autres s’essayent au qât (non, Anne-Cécile, nous ne te dénoncerons pas !)

C’est laborieusement que nous reprenons notre périple culturel. Pilastres et colonnes cannelées à chapiteaux corinthiens, frontons, corniches, clochetons, portiques, balustrades joufflues, œils de bœuf le tout en terre voici TARIM avec ses palais peints de couleurs étranges. On se retient à penser à de monumentales  glaces vanille-cassis, pistache, sabayon pour ne se rappeler que Saint Petersbourg ou Florence (si, si faites un effort !).

Stupéfiante aussi la mosquée AL MUHDAR entièrement en pisé sous un enduit en stuc blanc cru, dont le minaret carré de style moghol prend essor  au-dessus de la palmeraie.

La ville en compterait 365 autres soit une par jour  ce qui parait normal pour ce foyer de l’école chaféite (voir le tableau sur les sectes de l’Islam ).

       Le retour sur Seyun se fait sans incident notable.

En arrivant à l’hôtel Gwen est toujours méchée et son époux pas encore éméché (jeu de mots lamentable et collectif ).

 

Gîte du jour : SAMAH Hôtel

OUI-OUI et le qât

OUI-OUI est fasciné par les chauffeurs broutant leur qât

«  Maman pourquoi ils mettent pas de vinaigrette dans leur salade ?? »  

 

J 6                SEYUN       -      AL MUKALLA                               04/11/1998

 

               Lever à 4h. Il parait que c’est loin la mer. Nous reprenons une dernière fois la vallée de l’Hadramaout pour gravir le plateau de JOL.

Soudain de la verdure frangée des palmiers émerge un somptueux hameau de château de terre. « On dirait Shibam ! » dit Jacqueline Z. C’est Shibam !! Nous entrons dans le WADI DO’AN en prenant une route pavée de grosses pierres jalonnées de magnifiques villages et de ruchers qui produisent un miel très réputé et très cher. Le wadi est une succession de défilés, canyon et hautes falaises ponctuée de champs et d’oasis. Quelques riches Hadramis y ont planté leur palais.

Nous grimpons dans le village d’AL HAJARAYN dont les maisons-tours vieilles de plus de mille ans se dressent sur un amas rocheux dominant la vallée. L’ensemble rappelle Sana’a en plus petit et plus paisible.

Après un arrêt à SIFF pour le riz- poulet quotidien nous abordons le plateau de JOL de sinistre réputation. Il s’agit d’une immense étendue toute  minérale qui au bout de quelques longues devient monotone.  On entend dans les différentes voitures  la  fameuse question qui a pourri les vacances d’un grand nombre de parents : «  C’est encore loin la mer ? ».

De toutes façons explique Patrick : « Si la mer était visible on devrait la voir ! ». Ce qui ne l’empêche pas d’apercevoir un paquebot blanc sur le sommet du plateau.

La vie à bord s’organise. Les uns s’amusent à compter les voitures, les autres chantent, boivent du whisky... voire les deux.

Tout finissant par arriver nous voyons enfin le reflet d’une magnifique pleine lune : la mer !! ...et enfin l’hôtel.

 

Gîte du jour : HADRAMAOUT Hôtel
OUI-OUI et la cuisine yéménite

OUI-OUI est un gentil petit garçon qui vide bien son assiette :

« Maman, pourquoi on n’a jamais de poulet ? »    

                                                                                              

J 7       AL MUKALLA  -   ADEN                                               05/11/1998

Encore une rude journée en perspective : l’étape la plus longue de notre périple.

Mukalla, porte de l’Inde, est surplombé de falaises ocres. Nous n’en apercevons que quelques maisons blanches et bleues le long du rivage.

Seul arrêt : HISN AL GHUWAYZI, tour de guet typiquement  yéménite sur un rocher courbé vers l’avant au-dessus de la route.

Malgré la longueur du chemin une halte balnéaire nous permet de prendre les eaux dans l’Océan indien.

 

 

 

 

 

                                                                                Le poulet-riz est pris dans un «resturent local »

Alors commence l’interminable route vers Aden à peine égaillée par quelques villages en pisé. Et comme  un fait exprès nous devons abandonner et la voiture n°6 sur panne de frein.

C’est de nuit que nous arrivons à Aden, qualifié de «roc affreux » par Rimbaud.

 

Gîte du jour : Hôtel MOEVENPICK

OUI-OUI et le whisky

OUI-OUI a très soif ce soir à cause du soleil et il est très gai :

«  Maman pourquoi  le Pepsi fait des bulles dans la tête ? »

 

J 9                      ADEN          -             TAIEZ                              6/11/1998

«  Le matin du 34ème  jour (le 8ème pour nous ) une pyramide violette qui monte la garde se hisse sur l’Océan indien. Elle augmente de minute en minute comme les plantes que les fakirs font pousser rien qu’en les regardant. L’ancre tombe, une fumée de sable s’évanouit dans la mer : 12°45’ de latitude nord, 45°4’ de longitude est : c’est ADEN »

Paul NIZAN   (Aden,  Arabia )

De cette ville cosmopolite des années 50-60 (deuxième port du monde alors ) il ne reste qu’une cité en état de décrépitude avancée. Et dire que Eden le paradis se prononce Aden en arabe ! Aujourd’hui le port est réduit au rang d’une station-service sur l’Océan indien. Les faisceaux de pipe-lines enjambent les rues, les bras de mer et même les cimetières. Dans l’échancrure des rues on aperçoit les réservoirs aux écussons écaillés de la B.P.

Lyauthey en 1899 parlait déjà de «l’horrible agglomération, taillée au cordeau, sale et sans caractère, uniquement marché, facticement née pour le besoin de la citadelle et du port, sur cette poussière brûlante, au pied de ces rochers d’enfer couleur de suie  que le soleil du tropique ne  parvient même pas à éclaircir. Pas un arbre, pas une herbe... »

«  Pas une goutte d’eau douce » se plaignait Rimbaud.

Nous allons voir la maison Bardey qui porte aujourd’hui le nom de son employé. Il s’agit d’une petite bâtisse en pierre grise  avec des arcades à l’italienne. Pas de visites le dimanche..

Par endroits on sent encore des effluves de l’empire britannique. Mais l’Orient avec ses odeurs et ses couleurs a été le plus fort.

Un passage par la mosquée AIDAROOS et les citernes deux fois millénaires de TAWILA  et nous prenons la mer pour passer au large de l’île de SEERA à bord d’un objet flottant à la barre duquel officie Patrick.

Nous déjeunons au restaurant «Au poulet qui rit » (traduction approximative de l’auteur ).

L’homoplasie d’Aden avec le jardin mythique de l’Eden, l’évocation de Rimbaud, le souvenir de Ségalen et de Nizan, les écrits de Monfreid ont fait de la pointe méridionale de la corne de l’Arabie un terrain familier de notre imaginaire. Aden reste un mot magique grâce aux lectures de notre enfance mais c’est bien tout.

Cette fois nous arrivons au terme de notre étape sans encombres. Seul fait notable  un arrêt à un marché de qât fort animé.

Avant de nous rendre à notre hôtel nous montons sur le DJEBEL SABER pour avoir une vue générale sur TAIEZ. Là-haut  nous tombons dans une officine de déguisement et de grimage. Les deux Dominique en ressortent avec une main peinte à l’instar des plus belles mariées yéménites. Il en est même un qui arbore  fièrement une djambia - signe de virilité - sur son biceps stalonien (sa modestie légendaire nous oblige à taire son nom ).….tsvp…

Le repas du soir est très mouvementé car Philippe (oui, oui c’est bien lui !) a été allumé par une rousse flamboyante et quelques lampées de scotch. Les propos tenus à table ne passant pas la censure ils  ne sont donc pas rapportés !!

La journée se termine sur une note culturelle Khaled essayant de nous inculquer les notions de base sur l’Islam malgré des interférences italo-portugaises (?).

Gîte du jour : Hôtel ASIA

OUI-OUI fait du bateau

Maman Biafine a mis une belle barboteuse à Oui-Oui pour naviguer sur l’Océan indien :

«  Et si ça coule ? »

 

J 9                              TAIEZ                                                       7/11/1998

                     Aujourd’hui, la veille du  lendemain, nous visitons TAIEZ et ses environs.

Nous nous recueillons dans la mosquée AL MU’TABIYA entourée d’un mur externe crénelé avec de nombreuses fenêtres décorées de fines frises. Elle se singularise avec son absence de minaret et une vingtaine de dômes blancs. Puis départ vers JIBLA, la magnifique.

La route sinueuse entre les djebels traverse des champs de sorgho et des plantations de qât (le meilleur du Yémen ).

La ville de la reine ARWA se niche entre deux wadis ce qui explique la végétation luxuriante qui l’entoure. Les maisons en grès rose saumon sont richement décorées. La mosquée de la fameuse souveraine  (70 ans de règne !!) a beaucoup souffert des vicissitudes du temps. Des tas de minarets blancs parsèment la cité comme les bougies d’un gâteau.

La halte suivante se fait à IBB qui se niche au-dessus de vastes terrasses vertes. Comme c’est le jour du marché hebdomadaire l’animation est intense dans les ruelles étroites enchâssées entre de hautes maisons en pierres grises ou roses et aux bases arrondies.

Puis retour à TAIEZ pour l’incontournable tour au souk. On y découvre pêle-mêle des forgerons, des bijoutiers, des vendeuses de pain sans voiles et couvertes de bijoux, des vanniers... Le chaland peut y acheter des objets anciens, des narguilés, les inévitables djambias, des fromages salés ou fumés et même pour les amateurs des muselières à chameau...

Yves le Breton s’est acheté un futa (la jupe locale pour les hommes ) et en profite pour faire des effets de jambes ce qui perturbe son voisin de table. Cela permet à Anne-Cécile  de nous faire part de ses constatations ethnologiques : les yéménites mâles portent une culotte blanche ou rayée. D’aucunes assurent qu’ils ne portent rien sous leur pagne, car elles auraient vu bringuebaler des «choses » ??. Le débat reste ouvert.

Gîte du jour : Hôtel ASIA

 

OUI-OUI et ses cheveux.

OUI-OUI est très ébouriffé ce soir :

« Dis Maman pourquoi il y a des choses qui se dressent ? »

 

J 10                    TAIEZ       -      HODEIDA                               8/11/1998

Nous sommes donc le lendemain  et toujours en 4x4.

Notre premier arrêt sera pour le souk de DABAB qui se tient sur les rives ombragées  d’un wadi  ce qui oblige les chalands à faire leurs emplettes les pieds dans l’eau. Spectacle hautement coloré que ce marché aquatique, autant par les marchandises que par les tenues chamarrées des femmes. Ici elles paraissent un peu moins farouches que celles croisées ailleurs. Le sort des femmes yéménites n’est guère enviable si l’on se réfère à cette citation d’un journaliste et universitaire du pays : «  Je sais que vous les occidentaux avez au sujet des femmes des idées d’égalité très bizarres. Pourtant, dans nos livres saints il est écrit : «  Si tu écoutes les paroles d’une femme, c’est comme si tu écoutais la parole du diable ! » . De quoi vous plaignez-vous Mesdames ?

Après cette incursion dans la vie campagnarde  nous partons vers les plateaux à la recherche d’alcool de contrebande car Lulu a atteint son point de rupture. Heureusement nous trouvons au fond d’une échoppe douteuse  trois bouteilles de whisky et quelques boites de bière. Marcel a eu chaud !! L’avenir parait beaucoup plus serein.

Nous nous détendons au village touristique de AL KHOKHA dans une palmeraie au bord de la mer. C’est à bord de deux frêles esquifs que le groupe s’éloigne au large pour un bain réparateur. «  Combien de marins, de capitaines..... ». Spectacle émouvant et altier que de voir s’éloigner cette belle jeunesse  aux corps déliés.

Le retour par contre est moins glorieux : le radeau de la méduse !! Pas moins de cinq blessés à l’infirmerie. Il parait même qu’en plongeant Lulu avait les lolos à l’air (récit de voyage fait par la naufragée elle-même, donc digne de foi !) .

Après cette hécatombe et un bon poisson grillé nous partons vers ZEBID.  Cette autre perle de l’Orient succombe-t-elle aussi aux affres de l’oubli dans cette Tihama. Dans cette cité antique où disent les savants des mosquées, l’algèbre fût inventée, Pasolini déroula quelques mètres de pellicules de ses « Mille et une Nuits ».

Des murs aveugles, percés de lourdes portes à deux battants s’élèvent le long des ruelles barrées çà et là d’un pont qui fait communiquer deux maisons. Passée la porte on découvre des maisons-cours où tout le répertoire géométrique semble avoir mis en oeuvre. La traversée du souk nous emplit d’impressions olfactives,  auditives et visuelles quelques fois à la limite du supportable.

Si l’UNESCO a classé Zebid au patrimoine mondial son action semble s’être arrêtée là. Il serait temps que ces vieux messieurs se réveillent avant qu’il ne soit trop tard.

Un dernier arrêt à un moulin à sésame actionné par un dromadaire aveuglé qui tourne en rond en rêvant d’une improbable méharée.

Arrivée à HODEIDA.

Gîte du jour : Hôtel ASWAN

OUI-OUI  et l’algèbre

OUI-OUI redécouvre l’algèbre à Zébid :

« Pourquoi les racines sont carrées ici ? »

 

J  11            HODEIDA         -         HAJJA                           9/11/1998

HODEIDA est actuellement le seul grand port yéménite mais pour nous c’est un marché aux poissons haut en couleurs. Dès que l’on s’en approche monte une clameur qui emplit toute l’atmosphère. Un peuple afro-indo-arabe s’agitant dans tous les sens  avec des brouettes chargées de poissons multicolores ou simplement de blocs de glace. Tout le monde sait que la chaîne du froid ne doit pas être interrompue !

Des boutres chamarrés de noir, de bleu, de jaune, de vert et de rouge aux ventres larges regorgeant de requins, de raies, de rougets, de crevettes...

Un plaisir pour les yeux et les photographes, même Dominique de la HVS y va de sa crécelle ( NDR  : Michel lui a acheté une boite en carton qui imite le bruit d’un appareil photo). 

Après ce spectacle coloré  nous reprenons la route dans la TIHAMA, la basse-terre. « Terre d’une monotonie et d’une chaleur effroyables »  où Kessel traîna ses bottes à la recherche des marchés d’esclaves. Cette bande côtière est parsemée de villages de huttes. L’Afrique n’est pas loin ! Nous en visitons un : AL ZOHRA. Les huttes grises camouflent leurs bourgeons coniques dans un environnement broussailleux. Dans leurs enclos de paille ou de terre battue, elles recèlent des surprises : une cuisine de plein-air, un espace pour la provision d’eau, une aire pour le petit bétail. Devant la porte toujours grande ouverte  un terre-plein circulaire. Quand on est curieux on voit que la grisaille extérieure se transforme au-dedans en miroir aux alouettes grâce à de la verroterie et des images colorées et naïves  qui mêlent joyeusement des tanks avec la Ka’ba de La Mecque ou des animaux familiers avec des avions...

Nous quittons la plaine côtière pour nous attaquer  à la montée vers HAJJA où nous arrivons pour le déjeuner. Cette cité en dehors  de sa situation exceptionnelle  au sommet d’un énorme piton rocheux ne présente que peu d’intérêt. C’est pourquoi nous y passons un après-midi libre.

Les joyeux marcheurs de la H.V.S. (Haute vallée de la Sauer ) en profitent pour affûter leurs mollets en vue de l’étape du lendemain. Pendant ce temps les autres font ce qu’ils veulent. Cela ne nous regarde pas !

Gîte du jour : Hôtel GHADAM                                           

  OUI-OUI au port de pêche.

OUI-OUI est très impressionné par les requins :

«  Mais qu’est ce qu’ils donnent donc à manger à leurs truites ?? »

 

J 12                  HAJJA        -          SANA’A                         10/11/1998

Avant de quitter HAJJA nous montons à la forteresse turque AL - QAHIRAH qui offre un point de vue imprenable sur la ville est les hameaux perchés sur les  pics environnants. Une fanfare nous y offre un concert aussi martial qu’improvisé.

Puis nous continuons notre marche vers l’ouest en empruntant une route de montagne à travers un paysage grandiose : à-pics vertigineux, lacets tortueux, terrasses étagées - véritable «escaliers vers le ciel » -. De quoi couper le souffle aux plus blasés ! .

Au bout de la montée KOHLAN, village montagnard typique avec ses maisons construites les unes au-dessus des autres. Altitude 2300 à l’altimètre de la «voiture présidentielle », 2302,72 m sur le GPS de Gérard.

Pour atteindre la citadelle, véritable nid d’aigle qui domine le site il nous reste à gravir 300m (278,37m sur le GPS ) par un sentier rocailleux et escarpé à travers les habitations. Cela nous permet d’approcher un peu l’intimité des habitants.

Puis nous redescendons sur AMRAN pour nous promener dans la vieille ville abritée derrière des remparts. En fait de promenade il s’agit d’une visite - «  on peut dire » - au pas de charge. Nous avons à peine pu entrevoir quelques moucharabiehs finement ouvragées.

A 15h30 nous sommes dans nos chambres et certains tendrement enlacés devant les ascenseurs (rassurez-vous, Brigitte et François, cela ne sera pas répété !)

Gîte du jour : SHERATON SANA’A

 

OUI-OUI et le GPS

OUI-OUI est perplexe devant Gérard et son GPS :

«  Pourquoi le Monsieur il zappe tout le temps ? »

J 13                SANA’A  - MANAKHA - AL HAJJARA                       11/11/1998

C’est avec Mahmoud en pré-coma septicémique, mais au volant que la caravane repart pour visiter les environs de Sana’a à travers le Djebel HARAZ. Une fois encore la route s’accroche à flanc de montagne tout comme les cultures en terrasse. Le qât y remplace le café et le sorgho (rentabilité oblige ). Petit arrêt à MANAKHA - centre commercial de la région - avant d’aborder la piste menant au village-forteresse d’AL HAJJARA accroché aux nuages (métaphore un peu scabreuse dans un ciel uniformément bleu ). Avant de nous y aventurer nous faisons enfin un vrai repas yéménite dans une vraie salle à manger locale c’est à dire assis par terre sur des coussins. On nous fait miroiter des danses en guise de dessert. A nous les belles mouquères et les bayadères enjoleuses. Enfin !! Hélas, trois fois hélas nous n’avons droit qu’à une bourrée pseudo bretonne orientale exécutée (à la djambia bien sûr ) par deux éphèbes du cru. Ces bellâtres profitent de la déception pour entraîner nos compagnes dans une bacchanale effrénée. Seule consolation pour les hommes : ces danseurs ont un goût certain puisque nos épouses ont eu l’honneur de la piste à huit reprises contre une seule fois pour l’autre groupe de touriste. Nous nous rechaussons pour quitter ce lieu de débauche à l’exemption de Patrick à la recherche de ses baskets qu’il tient à la main. C’est grave Docteur ??

La visite d’AL HAJJARA nous sert de promenade digestive. Cette citadelle calée sur une falaise noire impressionnante est typique de l’architecture de montagne  avec ses hautes maisons posée à même la roche. Outre ses constructions ce bourg possède des commerçants dont les étals ont la propriété de se déplacer plus vite que les touristes. Retour sur SANA’A

Gîte du jour : SHERATON SANA’A

OUI-OUI au foundouq 

  Comme tous les yéménites OUI-OUI va manger au foundouq :

« Maman, pourquoi les chaises sont plus hautes que la table ? 

J 14           SANA’A - SHIBAM - KWAKABAN - THULA            12/11/1998

Dernière sortie encore chargée de beaux sites à commencer par le Palais du Rocher - DHAR HAJJAR - que nous visitons (voir vos guides ). Nous y faisons enfin la photo de groupe grâce à la complaisance d’un touriste égaré par là. Puis nous laissons le village de SUQ AL DHAR et ses vergers pour filer vers l’autre SHIBAM que nous traversons dans un nuage de poussière pour grimper vers la citadelle de KWAKABAN piquée sur un promontoire rocheux. S’aventurer dans ce village devrait être interdit à toute personne atteinte de vertige ou fragile du cœur. Mais de là-haut on a un panorama grandiose sur la plaine du nord et SHIBAM (l’autre) adossée au pied de la falaise. Nous y redescendons par un sentier muletier vertigineux avec un dénivelé de 300 à 400m (chiffres non communiqués par le GPS ). Nous arrivons au fundouq local hagards et livides pour y reprendre un peu de force. A SHIBAM c’est jour de marché ;  l’occasion de se replonger dans l’Orient profond : bruits, odeurs, couleurs... L’opportunité pour certains d’acheter des chaussures à des enfants ce qui a pour effet immédiat de les transformer tous en va-nu-pieds dans l’espoir de se faire rechausser par ces sponsors généreux. Cela aussi c’est l’Orient...

Nous entrons dans la vieille ville par une porte imposante pour admirer les échoppes aux volets ciselés et aux petits auvents soutenus par des colonnettes de pierre. L’occasion aussi de dépenser quelques rials.

La dernière étape du jour se fait à THULA qui se trouve sur les contreforts d’un piton rocheux coiffé de la citadelle du corbeau (rien à voir avec une quelconque résidence secondaire d’Yves )

Construite en pierres volcaniques, pavée de basalte cette ville est un pur exemple de l’architecture des maisons-tours abritées derrière des remparts. C’est ici que nous faisons les adieux officiels avec nos chauffeurs qui nous déposent néanmoins devant BAB EL YEMEN. Les derniers rials sont engloutis dans les dédales du souk et chez les fournisseurs agréés. Toutefois Michel, toujours un peu frondeur pousse l’outrecuidance jusqu’à acheter des pistaches dans une boutique non officielle. Nous frisons l’incident diplomatique.

Devant les portes de l’hôtel se déroulent les adieux officieux avec les chauffeurs. Dur et émouvant à la fois.

Gîte du jour : SHERATON SANA’A

OUI-OUI à Thula.

Thula ?

OUI-OUI : «  Non je ne l’ai pas »

 

J 15   AEROPORTS DE SANA’A ROISSY  ORLY  ENTZHEIM         13/11/1998

Ce matin nous laissons derrière nous Sana’a et toute la poussière du Yémen, Khaled et son équipe, le ciel bleu et le soleil éclaboussant.

Des êtres chers nous attendent ailleurs...

Comme pour nous retenir encore un peu la Yéménia nous sert du poulet et du riz, dernier clin d’oeil gastronomique du pays que nous venons de quitter.

En plus de ce festin nous avons droit à un festival de cinéma culturel : Le Masque de fer et la 735ème version de Tarzan. Dominique de la HVS et Gwen sont au bord de l’apoplexie car dans un de ces films sévissait Di Caprio.

Le pilote arrive néanmoins à poser son appareil sans encombres Roissy CDG. Là comme à chaque retour le groupe se disperse. Les grandes douleurs étant muettes nous n’en parlerons pas.

OUI-OUI rentre chez lui.

OUI-OUI  a terminé son voyage et rentre avec Maman Biafine dans le Val de Villé :

«  L’an prochain on retourne à Rimini ».

Les Anciens distinguaient l’Arabie pétreuse, l’Arabie déserte, et l’Arabie heureuse bénie des Dieux, terre arrosée et productrice d’encens et d’aromates.

Le YEMEN c’est l’Arabia Félix des navigateurs qui cinglaient de l’Egypte vers les épices de l’Inde. Arabie heureuse avec ses montagnes vertes et brunes enserrées de déserts et portant sur leurs flancs des végétations inespérées, ses côtes de sable fréquentées par les boutres, ses villages, ses villes antiques ou modernes qui s’égrènent entre les dunes et le long des wadis.

Hadramaout, ses chemins qui mêlent les caravanes, la route de l’encens, des épices et de la porcelaine.

Le YEMEN c’est la terre de l’été immobile, de la lumière en suspension, des rivières forteresses et des montagnes desséchées.

Le YEMEN c’est un peuple laborieux, infatigable. Peuple de petite stature qui lui a peut-être donné cet amour inconditionnel de l’altitude  car même le hameau le plus minuscule est un groupe serré d’habitations vertigineuses. Dans un pays fermé on s’échappe en hauteur. Malgré le progrès le YEMEN reste unique et magique. Chaque pas sur les hauts plateaux est un enchantement. On voudrait garder dans ses yeux et sa mémoire les terrasses qui épousent les courbes des montagnes  et servent d’écrins aux villages - citadelles qui dominent les vides. Hautes demeures aux  façades ocres ciselées de blanc  qui sont de véritables joyaux. Villages que des architectes audacieux et surdoués ont conçus avec art et tendresse.

Dans cette terre de mémoire et de légendes, le temps n’est pas un puits sur lequel on se penche comme en occident mais une source où l’on s’abreuve. Ainsi au Yémen le voyage dure-t-il des siècles ...

Le YEMEN est un monde à l’état de veille, le passé, l’avenir plus que jamais existent.

Ce voyage au Yémen est une expérience dans le temps  et l’espace ainsi qu’une plongée vers des traditions ancestrales. Le temps n’a pas encore effacé les traces des riches caravanes exhalant les senteurs de l’encens, des épices de terres lointaines et venant échanger quelques grammes d’arômes fabuleux de moka et d’arabica, gourmandises entêtantes d’un jadis jamais oublié.

Puisqu’il faut conclure,  je remercie encore en votre nom à tous Nathalie et Gérard pour tout. « Que Dieu les protège et leur prête vie » et à vous toutes et tous je dédie ces quelques vers de SIDI ABOU MADHAN :

«  Grâce à vous la vie apparaît sur chaque pays que vous visitez

Comme si vous étiez une pluie qui tombe sur la terre

Et vous donnez un spectacle de grâce

Comme si vous étiez des fleurs aux yeux de l’humanité ».

 

Et pour ma part,  j’espère simplement refaire encore un bout de chemin avec vous tous.

Maurice

                                          


    

              

Notre Président surpris dans ses prises de notes de voyage – Al Khokha -

 

 

C’est avec un immense plaisir que j’ai lu en avant première ce compte-rendu présidentiel et que j’ai essayé de vous l’illustrer de mon mieux.

 

Ce périple yéménite est certainement l’un des plus agréables voyages sinon le meilleur à tous points de vue, qu’il m’est été donné de partager avec mes amis d’ETAPP MED.

 

Un grand cru !

 

La marche sera d’autant plus haute en 99.  Un réel challenge.

 

Que Dieu et la Faculté prennent bien soin de notre Président.

 

       Grosses bises à tous,

 

       Gérard & Nath